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James Jackson




James Jackson,
Médaille d'or de la Société


par Édouard Caspari,
Président de la Commission centrale, rapporteur
Bulletin de la Société de géographie (1894)



Vous venez d'entendre l'énumération des prix attribués aux voyageurs, aux cartographes et aux auteurs d'ouvrages spéciaux ; il reste à vous parler d'une médaille d'un genre un peu différent, que la Commission centrale, par un vote unanime, a décernée à notre excellent collègue M. James Jackson. À vrai dire, c'est moins encore un prix qu'un souvenir de bonne confraternité que nous offrons à notre bibliothécaire. En me confiant le soin de vous en entretenir, la Commission m'a conféré une charge dont je m'acquitte avec infiniment de plaisir : je m'honore en effet de compter au nombre des amis de M. Jackson et son caractère m'inspire la plus profonde et la plus affectueuse estime.


M. Jackson, membre de la Société depuis vingt-trois ans, a été élu membre de la Commission centrale en 1880, et dès l'année suivante votre vote l'appelait aux fondions d'archiviste bibliothécaire. À ceux qui ont suivi d'un peu près les travaux de la Société dans ces dernières années, je n'apprendrai rien de nouveau en leur disant le zèle infatigable et la conscience scrupuleuse qu'il apportait à ses fonctions. Notre bibliothèque n'est pas un recueil de curiosités, elle est encore moins un objet de luxe : elle constitue avant tout un instrument de travail et de progrès de la science. Mais elle ne peut l'être réellement qu'à la condition que le chercheur y trouve tout ce qui peut intéresser la géographie. Seulement, et c'est ici le point délicat, les obligations multiples qui incombent à la Société ne lui permettent pas de doter aussi richement qu'elle le voudrait le fonds destiné à entretenir et à augmenter nos collections.


M. Jackson l'a vite compris : aussi, tout en défendant avec conviction son modique budget, s'est-il ingénié à suppléer à l'insuffisance des ressources mises à sa disposition, et cela de plusieurs manières. Il savait d'abord, avec un zèle et une persévérance incomparables, et au prix de démarches nombreuses, intéresser les éditeurs et les auteurs à l'accroissement de son fonds; il savait surtout, quand un ouvrage lui paraissait avoir sa place marquée sur ses rayons, l'y faire figurer à ses frais. Ceux qui ont suivi avec quelque attention, sur nos Bulletins, les listes d'ouvrages offerts, n'ont pu manquer d'être frappés du retour fréquent du nom de M. Jackson parmi les donateurs. Ce n'était pas seulement des brochures qu'il offrait, c'était des ouvrages d'une valeur matérielle considérable, parmi lesquels il me suffît de citer le Dictionnaire de Larousse.


Aussi n'est-il que juste de faire honneur à son activité et à sa générosité infatigables des progrès considérables que la bibliothèque a faits sous sa direction. Il ne s'est pas contenté de remplir avec une conscience exemplaire une tâche absolument gratuite, et qui lui prenait le plus clair de son temps, mais il y a contribué largement de sa bourse.


En outre des livres, nous lui devons divers meubles utiles, des bureaux, des bibliothèques portatives ; une autre fois il soldait de ses deniers un excédent important de frais de reliure non prévus au budget. On a enfin des raisons dépenser qu'il fut l'un des deux ou trois anonymes qui abandonnèrent à la Société leurs obligations de l'emprunt pour la construction de l'hôtel.


Ce n'est pas seulement le chapitre des livres et impressions qui lui est redevable : il s'est appliqué à réunir une très belle collection de vues photographiques qui compte actuellement plus de 17 000 feuilles de tous les pays du globe, dont une partie exécutées par lui-même; il a poursuivi avec une louable ténacité la constitution d'une collection, peut-être unique, de portraits de géographes et de voyageurs, qui atteint aujourd'hui le chiffre respectable de 2 300 environ.


Il ne suffit pas de réunir des collections, il faut les conserver. M. Jackson y a veillé avec un soin jaloux, luttant pour la garde de son trésor avec une vivacité qu'on a trouvée parfois un peu grande, mais qui était l'expression d'une conscience scrupuleuse.


Je vous disais tout à l'heure que ce n'est pas un prix au sens ordinaire du mot que nous lui décernons. N'allez pas en inférer que M. Jackson n'ait rien fait, en dehors de la gestion de sa bibliothèque, pour l'avancement de la science géographique. En plus des communications intéressantes faites aux séances, notre bibliothécaire a publié des bibliographies géographiques fort appréciées des travailleurs. Il a passé de longs mois à établir, en dehors de son travail quotidien, la table analytique des 5e et 6e séries du Bulletin, comprenant les années 1860 à 1880.


Depuis deux ans le soin de la santé de Mme Jackson l'a obligé à passer les mois d'hiver dans le midi. À son retour il retrouvait avec plaisir sa chère bibliothèque, mais un scrupule le prit : il pensa qu'il ne donnait pas assez de son temps et demanda à deux reprises qu'on le relevât de ses fonctions. Malgré les instances de ses collègues, il a persisté dans sa résolution et nous avons dû, à notre grand regret, accepter sa démission.


Mais, après douze ans d'une activité féconde, nous avons désiré lui donner une preuve d'affection et de reconnaissance, c'est pourquoi nous lui avons offert une médaille spéciale. Vous voudrez vous joindre à nous dans cette pensée, et je crois être votre interprète en disant qu'il convient d'ajouter à cette marque d'estime le titre de bibliothécaire honoraire que la durée et l'importance des services de notre collègue me paraissent lui avoir amplement mérité.



Édouard Caspari







Société de géographie

James Jackson (1843-1895)

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