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Léopold Nègre


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Leopold Negre
Léopold Nègre
(Montpellier, 1879 - Paris, 1961)
médecin et biologiste,
réalise des recherches sur la tuberculose
et participe à l'élaboration du BCG





LÉOPOLD NÈGRE
(1879-1961)
par Charles Gernez-Rieux, Bulletin de l'Académie nationale de médecine (1962)
« J'ai toujours été très attaché dans le souvenir de mes ancêtres huguenots »

Il y a quelques années, j'écoutais, dans cette salle, la lecture de l'éloge d'un de nos confrères, assis près du fauteuil de M. Nègre. Avant de me quitter, il me dit, à brûle-pourpoint : « Voulez-vous accepter, lorsque le temps sera venu, de rappeler ici ma carrière scientifique ? ». Cette question me surprit. Mais j'en saisis bien vite tout le sens : M. Nègre, soucieux, comme il le fut toute sa vie, de ne rien laisser au hasard, avait tout prévu et tout ordonné.


Il voulait, en me désignant, que ce fût un des derniers élèves et le successeur à Lille de son maître vénéré, Albert Calmette, qui prononçât son éloge. Il voulait que fût ainsi rappelé, une ultime fois, le souvenir des heures exaltantes de sa jeunesse, au cours desquelles, à l'Institut Pasteur de Lille, sous l'égide de son oncle, le préfet du Nord Louis Vincent [1], Calmette avait ouvert ses yeux émerveillés aux plus belles réalisations pastoriennes et décidé ainsi de l'orientation de toute sa vie.


C'est pour me conformer à sa volonté, si clairement exprimée, que je prends aujourd'hui, devant vous, la parole, alors que tant de personnalités éminentes auraient été bien plus qualifiées que moi pour accomplir ce pieux devoir.


Né à Montpellier, le 15 juin 1879, Léopold Nègre a vécu son enfance dans cette grande cité chargée d'histoire. Orphelin avant que de naître, il avait été élevé par son beau-père Dautheville, professeur à la faculté des sciences. Tout jeune encore, il appartint ainsi à ce milieu universitaire montpelliérain qui le marqua de sa puissante empreinte intellectuelle et morale.


D'une santé fragile, il était beaucoup plus attiré par la vie champêtre que par une carrière citadine. « Il me semblait, écrit-il dans ses mémoires, que rien ne pourrait me séparer de nos bois et de nos garrigues, d'où nos regards pouvaient se poser aussi bien sur la bande lointaine des étangs et de la Méditerranée, que sur le profil bleuté de nos Cévennes, terre où mon grand-père paternel avait vu le jour, et à laquelle j'ai toujours été très attaché dans le souvenir de mes ancêtres huguenots ».


C'est probablement cet attachement qui l'incita à s'orienter vers l'agronomie. Sa vocation fut de courte durée. Après une année passée à l'Institut national agronomique, il revient à Montpellier pour y préparer une licence de sciences. Mais son séjour à Paris a profondément influencé sa vie. Il l'a fait pénétrer dans le milieu médical parisien, où il a rencontré, chez le Dr Charon, celle qui devait devenir, huit ans plus tard, Madame Nègre.


Pendant sa préparation, à Saint-Louis, au concours d'entrée de l'école, il s'est lié d'amitié avec le Dr Aublant qu'il retrouvera, plus tard, secrétaire général de l'Institut Pasteur de Paris.


Par ses rapports avec des maîtres tels que Van Tieghem, Portier, Duclaux, il a pu mesurer l'ascendant qu'exerçait, à cette époque, sur les milieux scientifiques, l'école pastorienne.


Revenu à Paris, en novembre 1903, il entre à l'Institut Pasteur, dans le laboratoire de Borrel, qui était un ami de son père. [2] Pendant six années, il travaille sous sa direction. Il participe au grand cours de Roux. Duclaux, Metchnikoff, Chamberland, Veillon, Maurice Nicolle, Mesnil, Delezenne sont ses maîtres. Il publie même, avec Laveran, en 1905, son premier travail scientifique sur un protozoaire parasite de Hyalomma ægyptium.


Mais, sur les conseils de Borrel, il se consacre surtout à l'étude du cancer expérimental et de la sarcosporidiose de la souris. Il montre l'influence de divers régimes salins sur le développement de l'adénocarcinome de cet animal. Il fera, de ces études, l'objet de sa thèse de doctorat en médecine.


En 1909, une autre perspective s'offre à lui : le gouverneur général Jonnart envisage de créer, à Alger, une succursale de l'Institut Pasteur, dont l'étude des plans est confiée à Calmette.


Désireux d'élargir le champ de ses recherches, séduit par l'appel de ce soleil méditerranéen qui avait illuminé sa jeunesse, Nègre demande à partir en Afrique du Nord. Sa candidature est agréée. Mais il fera un stage préalable, auprès de Calmette, à l'Institut Pasteur de Lille. Il y rencontre Noël Bernard, qui deviendra plus tard directeur des Instituts Pasteur d'Indochine. Et là se nouent, entre ces deux jeunes pastoriens, les liens d'une fraternelle affection qui durera toute leur vie, et que scellera une commune vénération pour leur maître.


À Alger, où il retrouve Edmond Sergent, Donatien, Parrot, Nègre est chargé, dans le nouvel institut, en qualité de chef de laboratoire, du service des analyses microbiennes. Il remplit aussi les fonctions d'agrégé de parasitologie à la faculté de médecine. Il s'intéresse aux bacilles thermophiles du Sahara qui feront l'objet de sa thèse de doctorat ès sciences naturelles. Il parvient à cultiver, avec Boquet, le cryptocoque de Rivolta, dont il confirme le rôle pathogène dans la lymphangite épizootique des solipèdes.


Survient la première guerre mondiale : il se consacre à la préparation des vaccins nécessaires au corps expéditionnaire de Salonique et à toute l'Afrique du Nord.

La première vaccination antituberculeuse humaine

En 1918, après la libération de Lille, Calmette, devenu sous-directeur de l'Institut Pasteur de Paris, le rappelle rue Dutot. Il entre alors dans l'équipe des chercheurs — Boquet, Valtis, Saenz, Van Deinse, Coulaud — que le maître groupe autour de lui. C'est, pour Nègre, une carrière toute neuve. Il s'imprègne du livre admirable que Calmette a écrit à Lille sur la tuberculose et l'infection bacillaire, pendant les quatre années d'occupation allemande. Ce traité sera son bréviaire. Puis il se met à l'œuvre.


Avec Boquet, il étudie d'abord la tuberculose expérimentale de la souris. Mais il l'abandonne rapidement pour se consacrer, dès 1920, au BCG dont Calmette a rapporté, d'un voyage à Lille, la culture originale.


Il établit que ce vaccin, dépourvu de toute virulence pour les animaux sensibles à la tuberculose, détermine des follicules élémentaires qui disparaissent rapidement, mais confèrent une résistance indiscutable à une infection d'épreuve. Ces constatations, confirmées depuis, par les chercheurs du monde entier, constituent, avec les travaux expérimentaux de Calmette et Guérin sur les bovidés, à Lille, les solides assises sur lesquelles Calmette s'appuiera pour autoriser Weill-Hallé, en juillet 1921, à procéder, avec le vaccin préparé par Nègre et Valtis, à la première vaccination antituberculeuse humaine.


La part qu'a prise Nègre à l'application de cette découverte a été considérable. Calmette l'a voulu publiquement reconnaître en associant son nom à ceux de Guérin, de Weill-Hallé et de Turpin, lors de la mémorable communication, qui devait, ici même, le 24 juin 1924, ouvrir une ère nouvelle à la lutte contre la tuberculose.

L'apothéose de l'œuvre de Calmette

Toute sa vie, Nègre fut hanté par le désir d'étendre le champ d'application du BCG. Au cours d'un de ses voyages en Amérique, il rencontre Rosenthal, de Chicago. Ce savant lui fait part, en 1938, de ses essais de vaccination par piqûres multiples ; de retour en France, Nègre a l'idée de leur substituer des scarifications cutanées. Il étudie, avec Bretey, ce nouveau mode de vaccination, chez l'animal ; il en démontre l'efficacité et décide de l'appliquer à la vaccination humaine. Ce procédé d'immunisation, dont la valeur et l'innocuité ont été, depuis, amplement démontrées, a grandement contribué à la diffusion de la vaccination antituberculeuse, en France et à l'étranger.


C'est cette même préoccupation qui a encore guidé les recherches de Nègre sur la vaccination antituberculeuse par voie buccale. Ce mode d'immunisation, préconisé par Calmette, avait été peu à peu délaissé en raison de son faible pouvoir allergisant. À la suite des remarquables travaux de cette prestigieuse école brésilienne, qu'anime le professeur de Assis, avec ses élèves Silveira et Rosemberg, l'attention a été, de nouveau, attirée sur l'efficacité du BCG, lorsqu'il est administré, à fortes doses, par la bouche.


Le professeur Étienne Bernard a récemment souligné, ici même, tout l'intérêt de cette méthode de prémunition.


Nègre reprend, avec Bretey, l'étude expérimentale du procédé original d'immunisation de Calmette. Les dernières années de sa vie lui seront consacrées. Dans une note remise le 2 juillet 1959, aux Annales de l'Institut Pasteur, il montre, avec Bretey et Madame Roy, que les cobayes prémunis par l'ingestion de fortes doses de BCG présentent, entre le sixième mois et le dixième mois après la vaccination, une résistance à une infection d'épreuve aussi marquée que celle qui leur est conférée par injection parentérale. Il prouve, par des expériences rigoureuses, que cette résistance est la même, que les animaux réagissent, ou non, après la vaccination, à la tuberculine ou aux corps bacillaires.


Ainsi se trouvent, une fois de plus, confirmées ces deux idées fondamentales de Calmette qu'une immunité antituberculeuse solide peut être acquise par voie digestive, et que cette immunité n'est pas nécessairement liée à l'apparition et à la persistance de l'allergie.


Nègre s'est attaché aussi à défendre une autre conception, particulièrement chère à son Maître : celle du virus tuberculeux filtrable. On se souvient que A. Calmette et J. Valtis, reprenant les anciennes expériences de Fontes, avaient constaté que les filtrats de produits pathologiques, de même que les filtrats de culture de bacilles tuberculeux, provoquent un type très spécial d'infection du cobaye, caractérisé par l'absence de chancre d'inoculation et de lésions ganglionnaires caséeuses, par une hypertrophie du système lymphatique avec allergie transitoire de faible intensité, connu sous le nom de tuberculose type Calmette-Valtis, par opposition à la tuberculose classique type Villemin.


Calmette pensait que ces formes atypiques étaient dues à un ultra virus tuberculeux, hypothèse que les recherches virologiques modernes ne permettent plus de retenir. Il n'en reste pas moins que ces tuberculoses atypiques existent. Nègre a montré, avec Bretey, par de patientes et minutieuses expériences, qu'elles sont provoquées par des bacilles de Koch jeunes, incomplètement évolués, encore peu riches en lipides, de virulence atténuée et susceptibles de traverser les filtres. Il ne semble pas douteux qu'ils jouent un rôle important dans la dissémination des germes de la tuberculose dans les différents organes, lors de la primo-infection, et qu'ils puissent expliquer la longue persistance de l'infection tuberculeuse latente, sous une forme non décelable par nos procédés habituels d'investigation.


Par ailleurs, fait intéressant, confirmé par des recherches toutes récentes sur le pouvoir vaccinant du BCG, si les bacilles jeunes ont un faible pouvoir sensibilisant à la tuberculine, ils jouissent, par contre, d'un pouvoir immunisant élevé.


En rendant hommage au génie intuitif de Calmette et en élargissant encore la portée de ses travaux, Nègre a ainsi répondu, une fois de plus, à la préoccupation qu'il a tant de fois exprimée : celle d'assurer la continuité de l'œuvre de son maître par de nouvelles recherches sur les problèmes qui lui tenaient le plus à cœur et de témoigner ainsi à sa mémoire la gratitude qu'il lui vouait.


Et ce fut pour lui une satisfaction profonde que d'organiser, en 1948, à Paris et à Lille, le 1er Congrès international du BCG. Le succès qu'il remporta, en présence d'une élite internationale, fut véritablement l'apothéose de l'œuvre de Calmette.

Une œuvre de pionnier et de précurseur

Mais la carrière scientifique de Nègre ne s'est pas seulement inscrite dans le prolongement de celle de Calmette. Elle foisonne de découvertes originales.


C'est ainsi qu'il faut lui être reconnaissant d'avoir, bien avant les recherches récentes sur les mycobactéries dites atypiques, montré, notamment au Congrès de Lille, en 1939, le rôle pathogène éventuel chez l'homme des bacilles aviaires et de certains bacilles paratuberculeux.


Il faut aussi lui savoir gré d'avoir accompli, avec Boquet, une œuvre de pionnier et de précurseur, en étudiant les processus biochimiques qui commandent l'infection et l'immunité, dans la tuberculose.


Dès 1921, ils découvrent que les lipides extraits, par l'acétone, des cultures de bacilles tuberculeux, ont un pouvoir activant sur l'évolution de la tuberculose expérimentale ; par contre, les substances extraites, par l'alcool méthylique, des bacilles préalablement dégraissés, sont douées d'un remarquable pouvoir vaccinant. L'injection de cet « antigène méthylique », au cobaye et au lapin, augmente considérablement leur résistance à l'infection tuberculeuse expérimentale, tout en ne provoquant pas de sensibilisation allergique. Cet antigène se comporte donc comme un « vaccin chimique », dénué de toxicité, qui réalise bien, selon les idées directrices de Pasteur « cette immunité produite par des substances privées de vie, incapables de se reproduire, et nées de la présence de microbes mortels ». Il a fallu trente ans pour que les recherches de David Weiss et de René Dubos, à l'Institut Rockefeller, sur la tuberculose expérimentale de la souris, viennent confirmer, en tout point, la remarquable découverte de Nègre.


Il serait souhaitable que, selon les sages conseils de Courcoux, cet antigène soit utilisé plus largement en thérapeutique humaine : il renforce l'immunité antituberculeuse de l'organisme et peut être un précieux adjuvant des antibiotiques dont le seul emploi ne parvient pas toujours à guérir complètement l'infection bacillaire.


Telle est, trop brièvement résumée, l'œuvre scientifique, si originale et si féconde, de Léopold Nègre. Elle est exposée dans de nombreuses publications et dans plusieurs ouvrages qu'il écrivit seul ou en collaboration avec Calmette, Boquet, Armand-Delille et Bretey. Son livre sur les lipoïdes dans les bacilles tuberculeux et la tuberculose a été traduit en japonais par son élève Ozaki. Quant à l'ouvrage qu'il consacra, avec Noël Bernard, à la vie et à l'œuvre scientifique d'Albert Calmette, il est aujourd'hui classique.


Mais Nègre n'a pas seulement servi la science française par son œuvre écrite. Il a encore largement contribué à la diffuser par de nombreuses missions à l'étranger, notamment en Argentine, en Belgique, au Brésil, au Chili, aux États-Unis, en Espagne, en Uruguay. Il y retrouvait les anciens élèves de Calmette : Arena, Birkhaug, Domingo, Moreau, Rosenthal, Sayé, devenus à leur tour des Maîtres, et dont il recevait toujours un accueil chaleureux.


De ses missions lointaines, une mention toute particulière doit être faite de celles qu'il accomplit, à trois reprises, au Canada, à la demande de son élève et ami, le professeur Armand Frappier.


Il fut, dans la Nouvelle France, à laquelle nous attachent tant de souvenirs, un merveilleux ambassadeur scientifique de notre pays. Avec le doyen Parizeau et le professeur Albert Lesage, il contribua à fonder, en 1938, sur les rives du Saint-Laurent, cette « sentinelle avancée de la science pastorienne en Amérique du Nord », l'Institut de microbiologie et d'hygiène de Montréal, devenu, sous la prestigieuse direction d'Armand Frappier, l'un des plus remarquables Instituts de recherches du Nouveau Monde. [3]


J'ai pu, tout récemment, à Montréal et à Québec, mesurer la ferveur des sentiments d'attachement et de gratitude que lui gardaient nos collègues canadiens. Le professeur Frappier les a exprimés avec une profonde émotion, dans la lettre de condoléances qu'il adressa, en leur nom, à notre compagnie, dès qu'il apprit sa mort.

Le respect et l'amour du prochain

D'une grande simplicité, Nègre ne recherchait pas les honneurs. Membre de plusieurs académies étrangères, il fut élu à l'Académie de médecine en 1951 [4]. Il n'aimait guère les grandes assemblées : « À la paille des mots, il préférait le grain des choses. » [5]


Toute sa vie a été dominée par la passion de la recherche scientifique.D'un naturel réservé et, pour qui le connaissait peu, d'un abord assez froid, sa physionomie s'éclairait, son regard s'illuminait dès qu'on lui parlait de son laboratoire, de ses travaux.


On sentait alors en lui cet enthousiasme, ce Dieu intérieur qui anima toute son existence et dont il savait enflammer tout son entourage.


Car, chez lui, les qualités humaines étaient à la mesure de celles du savant. Son honnêteté était scrupuleuse, aussi bien dans la conduite de ses expériences que dans sa façon de penser et dans ses rapports avec autrui. Elle a marqué d'une profonde empreinte tous ceux qui l'ont connu ou ont collaboré avec lui. Sa droiture, servie par une fermeté inflexible, ne connaissait aucune faiblesse, dût-il lui-même en pâtir. Elle fut la dominante de son caractère ; mais sa grande bonté savait en adoucir la rigueur pour ceux qu'il estimait.


Animé d'une foi ardente, il a toujours pensé que la plus haute forme de la morale se réalise dans le respect et l'amour du prochain. Son intégrité n'avait d'égale que sa fidélité à ses élèves, à ses amis, mais aussi fidélité à ses maîtres et à l'idéal pastorien qu'il servit toujours avec une confiance absolue dans la mission humaine du savant.


Il est mort le 29 juillet 1961, dans cet Institut Pasteur auquel il avait consacré toute sa vie. Quelques semaines plus tôt, il avait encore pu se rendre dans son laboratoire, qu'une exceptionnelle faveur de la direction lui avait permis de conserver, après sa retraite. Il avait revu les épreuves d'un dernier travail en cours de publication, avec son cher collaborateur et ami Bretey, qui assure avec tant d'autorité, de science et de dévouement, la continuité de son œuvre. Malgré les soins affectueux du Dr René Martin, qui l'avait, plusieurs fois déjà, disputé à la mort, il s'éteignit avec cette sérénité confiante, que la présence constante, à ses côtés, de l'admirable compagne de sa vie, avait su créer et préserver autour de lui.


Il nous quitte, peu de temps après Camille Guérin, dont M. Dujarric de la Rivière retraçait ici, récemment, la carrière, en termes émouvants. [6]


La prestigieuse équipe, qu'avait animée Calmette, est durement décimée. Mais les années qui passent, si elles nous attristent de tant de deuils, nous permettent aussi de mesurer le rayonnement et la pérennité de l'œuvre accomplie. Que Madame Calmette, dont la présence ici-même, aujourd'hui, rend tangible l'affectueuse estime que portait le maître à l'un de ses plus précieux collaborateurs, veuille bien agréer l'hommage de nos sentiments de respectueux attachement : elle est le témoin vigilant et lucide d'un siècle, pour elle trop souvent assombri d'épreuves et d'angoisses, mais qu'illumine le triomphe d'une des plus magnifiques découvertes de la médecine contemporaine. [7]


Élevé par Albert Calmette dans la rigueur des méthodes de travail de Pasteur, animé du même idéal, Nègre a, par la qualité de ses travaux, contribué à l'éclat de cette école pastorienne dont le prestige, demeuré encore si grand à l'étranger, continue à assurer, par-delà nos frontières, le renom de la science française.


Sa vie demeure, pour nous tous, un très grand exemple de probité et de désintéressement que devront méditer les jeunes générations à qui incombe la lourde charge de maintenir, à travers le monde, le rayonnement intellectuel de notre pays.


L'Académie mesure le grand vide laissé par sa perte. En son nom, j'adresse à Madame Nègre, et à ses enfants, l'expression de nos sentiments attristés. Qu'ils soient assurés que nous garderons vivant, dans notre mémoire, le souvenir de celui dont l'œuvre scientifique a inscrit le nom auprès des grands bienfaiteurs de l'humanité.



Charles Gernez-Rieux
Charles Gernez-Rieux
Bulletin de l'Académie nationale de médecine
(mars 1962)
Notes :

voir Institut Pasteur & Comité des travaux historiques et scientifiques : biographie de Charles Gernez-Rieux (1898-1971)


1- Sa tante, Jeanne Nègre, a épousé son cousin issu de germain Louis Vincent, préfet du Nord, à Lille, de 1899 à 1911.


2- Voir biographie : Wikipédia et Institut Pasteur : Amédée Borrel (1867-1936) est originaire de Cazouls-lès-Béziers. Il est le témoin de mariage de Léopold Nègre en 1905.

Léopold Nègre rédige une notice biographique : « Le problème du cancer, un précurseur : Amédée Borrel » in La biologie médicale (1957).

Voir le site de l'Institut Pasteur


3- L'Institut de microbiologie et d'hygiène de Montréal porte aujourd'hui le nom d'Institut Armand Frappier. Voir Wikipédia : Armand Frappier

Voir Musée Armand Frappier : biographie d'Armand Frappier.

« Lorsque le docteur Frappier arrive à l'Institut Pasteur, le BCG est employé depuis huit ans avec succès. Les expériences menées par le docteur Nègre, après celles de Calmette et de Guérin, prouvent que le vaccin est efficace et inoffensif, et que la grande peur des Américains de voir réapparaître la virulence est sans fondement. Le voici rendu aux sources mêmes de la microbiologie et de la lutte contre la tuberculose. C'est là toute une expérience pour le docteur Frappier, car c'est à cette époque qu'il apprend à produire le vaccin BCG. Convaincu d'avoir enfin une arme efficace contre la tuberculose, le docteur Frappier revient au pays avec un très précieux bagage : un flacon contenant la souche du fameux BCG ! »

Armand Frappier, son voyage à l'Institut Pasteur


4- Lire le discours de son fils, Étienne Nègre, lors de l'élection de Léopold Nègre à l'Académie de médecine, le 20 février 1951.


5- Référence à l'ouvrage de Leibniz, Essais de Théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme, et l'origine du mal où il critique les scolastiques, « gens qui s'embarrassent souvent dans leurs subtilités, et prennent la paille des termes pour le grain des choses. Ils conçoivent quelque notion chimérique, dont ils se figurent de tirer des utilités, et qu'ils tâchent de maintenir par des chicanes. »


6- Camille Guérin est décédé le 9 juin 1961 ; Léopold Nègre le 29 juillet 1961.

Lire Camille Guérin (1872-1961) par René Dujarric de la Rivière, in Bulletin de l'Académie nationale de médecine (novembre 1961)

« Nous avons tous présente à la mémoire cette séance du 24 juin 1924 où Calmette, Guérin, Weill-Hallé, Nègre, Wilbert, Léger et Turpin exposèrent, ici même, les résultats de la vaccination par le BCG qui ouvrait une ère nouvelle à la lutte contre la tuberculose. »


7- Madame Calmette, Émilie de la Salle (1864-1966) est alors âgée de 96 ans. Elle décèdera à l'âge de 102 ans. Elle est née un an après son mari, Albert Calmette (1863-1933), décédé à l'âge de 70 ans. Ils sont enterrés à Jouy-en-Josas.

Le 12 janvier 1918, elle fut déportée comme otage en Allemagne, en tant qu'épouse de notable. Elle fut internée au camp de Holzminden (au sud de Hanovre) et libérée le 19 juillet 1918, dans un état de santé déplorable.

Voir L'histoire par l'image : Déportation de prisonniers civils pendant la première guerre mondiale : le camp de Holzminden
Voir un site sur le camp de Holzminden

Léopold Nègre : index des documents

photographies de Léopold Nègre

Léopold Nègre par Jean Bretey (1962)

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