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Ami Bost





Ami Bost
Nécrologie
Revue de théologie et de philosophie
Société suisse des sciences humaines
(1875)


Lorsque l'homme remarquable envers lequel nous désirons nous acquitter d'un devoir de pieuse reconnaissance commença son ministère, l'église de Genève, tout en proclamant hautement qu'elle n'avait pas de confession de foi, se croyait le droit d'interdire la prédication de certaines doctrines et expulsait de son sein les prédicateurs qui ne voulaient pas se soumettre à ses injonctions. — Chacun sait assez où nous en sommes aujourd'hui.


Ce contraste, déjà fort remarquable en lui-même, le devient bien pins encore lorsqu'on se rappelle que ces deux pratiques si différentes ont été tour à tour patronnées par le même parti religieux qui gouverne et domine aujourd'hui l'église, exactement comme il le faisait au commencement du siècle. Quelle est donc la voie que l'on a suivie pour passer ainsi d'un extrême à l'autre ? Comment se fait-il que deux politiques si différentes aient pu être défendues par la même école théologique ? Et le bon public, après avoir approuvé une des politiques, comment en est-il venu à soutenir avec non moins d'ardeur le mode de vivre contraire, si même il s'est aperçu qu'elle se transformait étrangement cette église de ses pères à laquelle il se croyait toujours fidèlement attaché ?


En parlant d'Ami Bost, on a une occasion toute naturelle de répondre à ces questions. Mais, chut !… Le champ des controverses ecclésiastiques est envahi à cette heure par de trop hantes puissances pour qu'il puisse être question de marcher sur leurs brisées.


La réserve dans laquelle nous nous renfermons est d'autant plus acceptable que, bien loin de nuire à la mémoire de ce brave soldat de la vérité qui doit nous occuper, elle ne saurait que la servir. L'élément polémique est en effet chez lui le petit côté, la forme locale et temporaire. Ce qui importe avant tout c'est de bien se rendre compte du grand côté de cette individualité, qui fait de ce ministre genevois un personnage historique dans le monde religieux de nos pays de langue française.


Il suffit de prononcer le nom d'Ami Bost, du père Bost, comme dit notre génération, pour évoquer le souvenir d'un homme qui a différé étrangement du milieu dans lequel il a été appelé à vivre. À première vue, vous vous trouvez en face d'une espèce de Melchisédec, sans père, ni mère, ni généalogie, trop souvent d'un Ismaël. Bost lui-même et son entourage avaient le vif sentiment de la chose, sans arriver à s'en rendre compte. Il suffisait même de faire un court séjour dans Je milieu agité de Genève pour saisir le frappant contraste. Vinet se faisant l'écho de l'impression que deux braves Bâlois avaient rapportée d'une visite faite dans cette ville en 1827, déclare quelque part : « Ils n'ont trouvé de largeur et Je support que chez le ci-devant belliqueux Bost, qui a, il est vrai, beaucoup d'esprit, ce qui sert dans certains cas à être raisonnable. »


Cet isolement s'explique par une manière différente de comprendre le christianisme. Ami Bost fut chrétien avant d'être théologien, tandis qu'autour de lui bien des personnes débutèrent par être orthodoxes, sauf à devenir chrétiennes plus tard. Tout est là. Voilà pourquoi il pouvait écrire la page suivante à une date où ses contemporains n'en soupçonnaient nullement la haute portée : « Nous sommes convaincus, dit-il, que l'église, oui l'église même de Christ, suit, car Aa volonté de son chef suprême, une marche progressive, laborieuse, pleine de crises, lente mais réelle, vers une conception plus saine et plus spirituelle de la révélation qui lui a été accordée…. Nous convenons que la véritable orthodoxie même doit nécessairement se compléter, devenir plus équitable envers ses adversaires et déposer plus d'une de ces exagérations ou de ces étroitesses qui ont elles-mêmes contribué en grande partie à produire les fausses doctrines dont elle se plaint. »


Cette manière différente de sentir les choses religieuses tenait à ce que, sous l'influence de son père et des Moraves, Ami Bost avait été habitué dès l'enfance à considérer l'Evangile comme une affaire vivante et pratique, s'adressant en tout premier lieu an sentiment, an cœur, à la conscience. Aussi, dès que sous l'influence des Anglais trop de gens en vinrent à se préoccuper de la religion dans un intérêt avant tout intellectuel, dogmatique, Bost entra-t-il en lutte ouverte avec eux. Déjà en 1827, dans une brochure, Christianisme et théologie, il proteste énergiquement contre le rationalisme qui envahit le Réveil sous le nom d'orthodoxie. Il déclare qu'il ne laissera pas les fers d'une secte quelconque s'appliquer à son cœur : les prétendus représentants de la saine doctrine sont dénoncés comme de faux docteurs, aussi gravement coupables en fait d'hérésies pratiques que le sont ceux qu'ils attaquent en fait d'hérésies de doctrine. Plus tard lorsqu'on présenta la Bible comme une espèce de manuel de droit canon, réglant de point en point tout ce qui regarde la constitution de l'église et jusqu'aux moindres détails du culte, c'est encore Bost qui, dans ses Recherches sur la constitution des églises, protesta en faveur du spiritualisme chrétien étrangement méconnu. — Tout en croyant fermement à la divinité de Jésus-Christ, il s'oppose à ce qu'on fasse de cette doctrine le début de la prédication, le dogme initial du Christianisme. Ce dogme a quelque chose de spéculatif qui ne saisit pas aussi vivement la conscience que celui du péché de l'homme, de la régénération et surtout de la rédemption. On peut croire réellement à la divinité de Christ sans être pour cela un vrai chrétien, ayant une piété personnelle, pratique et vivante. Voici une idée qui n'est pas moins frappante : le pain et le vin de la cène, qui doivent rappeler le prompt retour de Jésus-Christ, en sont venus à être sa personne même bien réelle, rien de moins que son propre corps et son vrai sang. Rompant avec toutes les opinions courantes, Ami Bost rétablit hardiment le sens primitif de cet acte étrangement défiguré par la passion du merveilleux. « Le mot de notre Sauveur relatif à la cène ne signifie pas, dit-il, que nous devons manger et boire pour nous souvenir de lui, mais que nous devons nous souvenir de lui toutes les fois que nous mangeons et buvons. » Cette opinion hardie semble avoir pour elle l'exégèse historique. Les premiers chrétiens, les apôtres eux-mêmes n'avaient nul soupçon des périodes de développement que l'église a dû traverser pendant dix-huit siècles. Ils s'attendaient à voir revenir le Seigneur au premier jour, à chaque instant pour établir son royaume. C'est bien chaque fois qu'ils mangeaient et qu'ils buvaient et non pas seulement quatre fois par an, aux grandes communions, qu'ils devaient se rappeler le retour de leur Maître.


Sur ces divers points, Bost rencontre juste, tout en ignorant les travaux de la critique moderne qui devaient confirmer ses vues, mais en obéissant simplement aux seules directions de sa conscience chrétienne. C'est bien quelque chose que de tomber si juste en des points de cette importance : si nous écrivions un panégyrique ou un discours académique, nous pourrions, sans trop de complaisance, parler à ce propos de traits de génie.


Une seule chose a lieu de surprendre : comment se fait-il qu'un homme si bien doué n'ait pas exercé une influence plus étendue, plus profonde et plus décisive ? — Mais s'il a toujours été parmi les battus, c'est apparemment qu'il n'avait pas les qualités indispensables pour réussir, diront ceux qui estiment que, comme dans la Morale en action, le vice est toujours puni et la vertu récompensée. Le ton de sa polémique n'aurait pas non plus été de nature à préparer an accès facile à ses convictions. — « Sans doute, répond Ami Bost, la perfection de la conduite, c'est de savoir allier la charité et la force. Mais pourquoi vouloir toujours la perfection dans une de ces vertus et jamais dans l'autre ? Et puis, de quel droit exige-t-on la perfection chez autrui quand on ne l'a pas soi-même ? » Il estime que cette violence qu'on lui a tant reprochée fait tout le mérite de ses actes et de ses écrits : on ne peut écrire sur la religion du même style que sur la physique ou la géométrie. — C'est donc à prendre ou à laisser : gardez-vous, sous prétexte d'obtenir plus de miel, d'enlever à l'abeille son aiguillon inutile : elle en mourrait immanquablement. — Vous accorderez du moins qu'Ami Bost fut un excentrique ? — Reste à savoir ici qui est le plus près du vrai point central, l'accusateur ou l'accusé. Il est dans le monde de la pensée certaines personnalités fort rares, qui ont un rôle aussi important à remplir qu'en mécanique ces engins, appelés excentriques, dont on se sert pour changer la direction des mouvements. Deux partis, deux écoles sont en présence, mais la question n'avance pas parce qu'on ne peut plus s'atteindre. Arrive un simple volontaire, un soldat de fortune qui signale le point faible des deux tendances. Aussitôt les rangs se rompent : il en résulte un désordre effroyable dans lequel personne ne sait plus reconnaître son drapeau. Téméraire ! imprudent ! excentrique ! crie-t-on de toutes parts : encore un peu de temps et sans votre intervention, aussi peu charitable qu'intempestive, nous remportions une victoire complète. Puis arrive plus tard l'histoire calme et impartiale qui finit par constater, à son tour, que ce prétendu esprit excentrique n'a fait que ramener vers la grande route royale, au centre même du problème, des écoles et des partis qui s'égaraient dans les chemins de traverse et perdaient leur temps à débattre de simples points extérieurs, à la circonférence des problèmes. Eh bien, si Ami Bost s'est acquis une réputation d'excentricité, c'est en partie parce qu'il lui a été donné plusieurs fois d'intervenir ainsi pour ramener ses contemporains sur la grande ligne droite et centrale que le Réveil eût dû suivre pour éviter les catastrophes, les réactions désastreuses, suivies de révolutions.


Cette explication, déjà donnée du vivant de Bost, par un ami à courtes vues et trop absolu, est incomplète : si Bost n'a pas été excentrique, il s'en est cependant donné les airs, et ce fait suffit pour décharger tant soit peu les contemporains. C'est ainsi que nous arrivons chez cette riche personnalité au point faible qui, comme d'ordinaire, se trouve tout à côté du point fort. Ami Bost fut non pas un quiétiste, certes, mais un mystique égaré entre des latitudinaires d'une part et des ultradogmatiques de l'autre. Chaque fois qu'il fait appel au sentiment religieux immédiat, il triomphe et des uns et des autres. Mais il s'en tient à cet appel, et c'est là son faible. Les ultradogmatiques se croient en possession d'un système chrétien qu'ils ont puisé dans la Bible : Bost maintient avec raison que la Bible ne nous fournit aucun système, mais il a le tort de penser que le fidèle, aidé de sa conscience et de sa raison, n'est pas appelé à systématiser de son mieux ces vérités religieuses dont il a fait l'expérience. C'est donc l'absence complète de tout élément spéculatif et systématique qui est le côté faible de cet homme si original : avec quelques idées fondamentales, certains points de repère, des aperçus supérieurs dominant tout le domaine des choses religieuses, il eût inévitablement apporté plus de pondération dans ses vues et évité ces allures excentriques dont un esprit primesautier et absolu ne peut se garder quand il traite les sujets isolément, d'une manière analytique. Telle est, semble-t-il, la clef de cette personnalité si énigmatique. Bost fut avant tout un mystique, — c'est là le secret de son originalité et de sa force : mais il ne voulut être systématiquement qu'un mystique, c'est là ce qui le paralysa, à bien des égards, ce qui ne lui permit pas d'assurer à ses idées, souvent si justes et si fécondes, l'accueil auquel elles avaient droit.


Voilà pourquoi il fut toujours suspect aux grands personnages qui s'étaient donné la mission d'être les gardiens de la saine doctrine, sans qu'ils osassent jamais l'accuser d'hérésie ou d'incrédulité. C'est que personne ne le dépassait en fait de foi, d'héroïsme, de dévouement à la cause de la vérité. Il irritait par sa grande liberté à l'égard de la doctrine qu'il n'avait garde de confondre avec la religion. Mais il imposait par sa piété.


Malgré les nombreux défauts d'Ami Bost, — car pour être fidèle à la mémoire de cet homme humble et franc, nous devons ajouter qu'il était le premier à déclarer ne pas être moins bien partagé qu'un autre à cet endroit, — ce qui a fait sa supériorité et sa force, c'est que mieux que personne il a pris au sérieux la devise du Réveil : soumission à la seule Parole de Dieu, indépendance absolue à l'égard des systèmes humains. Déjà en 1821 il écrivait ces remarquables paroles : « Oui, j'aurai à mon tour mes pensées à moi, et j'aimerai Dieu à ma façon. Je ne serai pas de Jean, encore moins de Paul, peut-être : mais j'espère que je serai de Christ. » Tandis que tel contemporain, s'imaginant avoir trouvé la vérité absolue dès le début, sans s'être donné la peine de la chercher, se posait avec confiance comme le pontife vivant de la saine doctrine, Bost ne cessant de chercher demeurait large, accessible à toute idée nouvelle, incandescent jusqu'à la fin. Seulement ne pouvant, comme tant d'autres, prendre son parti de ne pas s'élever au-dessus de la médiocrité dans la poursuite de l'idéal, il était profondément mélancolique.


Presque toujours seul de son avis, Ami Bost fut néanmoins d'un courage exemplaire, toujours occupé à défendre le Réveil contre les ennemis du dehors et, ce qui est plus délicat, contre lui-même et les adversaires du dedans. « En fait d'ennemis de l'Evangile, dit-il quelque part, je ne demande pas : — Combien sont-ils, mais où sont-ils ? » Tandis que le monde est plein de gens sages et prudents qui, traitant le public comme un moribond et la vérité comme une médecine, sont toujours occupés à tâter le pouls au malade pour ne lui servir qu'à dose homœopathique juste la portion de vérité qu'il peut supporter sans que son système en soit ébranlé, Bost est de ces fanatiques, de ces fous qui, estimant que la vérité ne nous appartient pas, mais que nous lui appartenons, la distribuent au long et au large, au risque de mécontenter ses amis et de réjouir ses adversaires. Que voulez-vous ? ce grand original ne se préoccupe jamais de ce qui peut être mais de ce qui doit être : il ne voudrait rien du plus éclatant succès qui ne serait pas obtenu par les bons moyens.


Que serait-ce s'il fallait parler de sa grande indépendance à l'égard des écoles et des partis ? Et où l'indépendance de caractère allait-elle se nicher ? Sans aucune fortune, Ami Bost avait à élever une vraie famille de patriarche. Cette position constamment gênée ne l'a rendu ni accommodant, ni flexible en présence des exigences des sociétés, des partis et des églises qui auraient pu lui assurer, comme à tel autre, une position stable avec une honnête aisance. Accordons sans peine que les défauts de Bost peuvent avoir joué leur rôle en tout ceci, mais d'un autre côté, ne faut-il pas une certaine vertu pour ne pas se corriger de défauts qui vous condamnent à être constamment sans feu ni lieu, sans trop savoir comment élever une nombreuse famille ? Ami Bost trouve peut-être un certain plaisir à braver les grands, les riches, les puissants : mais auriez-vous le courage de lui jeter la pierre en songeant à tel abbé de salon, — puisqu'il n'y a plus de cour, — qui prostitue ses talents, ses convictions, s'il en eut jamais, aux goûts des heureux du monde, sûr d'obtenir une large part des miettes qui tombent de leur table ?


On comprendra pourquoi nous n'avons rien dit de l'activité de Bost, de sa vie missionnaire en particulier. Il ne pouvait être question de raconter, il fallait se borner à expliquer une vie si bien remplie. Qu'on sympathise ou non avec les idées, les tendances et les allures de ce père du Réveil, il est difficile de se défendre de cette admiration qu'on éprouve à la vue, hélas trop rare ! d'une individualité consacrée au culte de l'idéal, d'un homme héroïque, d'un caractère. La personnalité de Bost n'avait d'abord paru qu'étrange : il y a quinze ou vingt ans environ qu'on s'aperçut du grand rôle qu'il avait joué dans le Réveil.


Depuis lors sa renommée n'a cessé d'aller en augmentant : il en sera probablement de même à l'avenir : beaucoup de personnages qui ont occupé l'avant-scène et jeté un grand éclat seront oubliés depuis longtemps, qu'on parlera encore de l'influence du père Bost. C'est qu'après Vinet il est la figure la plus originale, l'homme qui a répandu le plus d'idées nouvelles et fécondes, et cela sans beaucoup de talent ou de science, mais simplement en osant être lui-même.


Déjà en 1827, Ami Bost prévoyait la crise décisive que traverse aujourd'hui le monde religieux protestant. Adressant de sévères paroles aux hommes du Réveil, il leur disait : « Vous avez peur de sortir d'une ornière : et voilà ce qui fait la secte et son mal, vous devenez exclusifs et raides…. » Prévenant ensuite ses contemporains contre les dangers de l'intellectualisme qui menaçait de tout dévorer, il ajoutait : « Vous êtes déjà moins que vos maîtres : et si Dieu n'y met la main, les enfants de vos enfants ne seront plus que des spectres. » La pensée de Bost était qu'en s'acharnant à ne voir que le système et la doctrine, on risquait de laisser perdre le degré de vie intime, de piété, de morale, indispensable pour sauvegarder la dogmatique même. Ce n'est pas ici le lieu de décider si cette prophétie de notre ami s'est réalisée. Un fait demeure toutefois incontestable : si l'on avait tenu compte des avertissements de Bost, la position du Réveil serait plus brillante qu'elle ne l'est aujourd'hui : il est douteux que le petit monde protestant des pays français puisse marcher de nouveau vers un joyeux avenir, avant d'avoir fait son profit des dures vérités qu'il n'a pas voulu entendre au bon moment. C'était là l'unique moyen d'éviter la révolution théologique que tant de gens déplorent aujourd'hui. Et, chose curieuse ! il y avait chez Ami Bost une disposition précieuse qui le qualifiait pour être un homme de transition. Nous tenons en réserve le trait de caractère le plus inattendu, le plus bizarre de cette étrange personnalité. Oui, cet homme belliqueux, cet esprit inquiet et turbulent, ce novateur hardi, téméraire, était doublé d'un conservateur fasciné par la poésie des souvenirs, amateur des vieux usages et des vieilles choses ! L'esprit était libre et hardi, mais le tempérament portait au respect de la tradition, contraste indispensable peut-être chez les hommes qui sont appelés à opérer une réforme. Tout jeune encore, avant que son caractère religieux fût bien prononcé, Bost se sentait attiré vers le catholicisme, il pénétrait furtivement à Saint-Germain et portait pendant quelque temps une petite croix sur la poitrine : dans ses vieux jours, le vénérable lutteur rêvait d'aller se reposer dans quelque couvent, dans quelque Port-Royal protestant, si de telles maisons étaient possibles, ajoute-t-il judicieusement. Bost avoue lui-même son faible dans le langage le pins caractéristique. « Il me semble, dit-il, que j'aurais été de l'avis de ces gens du pays de Neuchâtel, qui, au moment d'embrasser la réformation, voulurent célébrer leur messe encore une dernière fois. Nos cloches et nos temples rappellent de grands et sacrés souvenirs ! »


Tel fut cet homme éminemment ondoyant et complexe. Il manquerait un trait important si nous n'ajoutions qu'il fut toujours un excellent Genevois. Malheureusement la place nous fait défaut pour fournir nos preuves à ceux qui pourraient en douter. Bornons-nous à dire que cet esprit perspicace en politique comme en religion fut le premier à dénoncer l'ultramontanisme, sous la forme du mauvais Genevois, du fantôme jetant un regard de convoitise par-dessus les Alpes, et cela en, 1842, alors que des hommes qui se croyaient bons protestants et excellents patriotes, se disposaient à contracter l'alliance qu'on sait de laquelle devaient sortir les complications actuelles.


Cet enfant bien authentique de la vieille Genève, Ami Bost, est mort il y a une année, loin de la patrie, et ses dépouilles mortelles ne nous reviendront pas comme s'il s'agissait de quelque grand de la terre. Nous prendrions moins aisément notre parti de voir son genre d'esprit, de caractère et de tendances disparaître sans retour du milieu de nous. Ne reverrons-nous jamais briller chez personne tant de hardiesse, de franchise, de courage, alliés à une indépendance sans bornes ? Ce vrai spiritualisme chrétien, large et généreux, défenseur naturel de tous les progrès et de toutes les libertés, devient plus indispensable que jamais. Parmi la nombreuse postérité de cet homme remarquable et, à son défaut, dans les rangs de la jeunesse étrangère à sa famille, ne surgira-t-il donc aucune âme forte et généreuse qui, profitant des leçons de l'expérience, sache se consacrer sans réserve au triomphe d'un idéal magnifique, comme celui qui avait fait tressaillir Ami Bost et auquel il est demeuré obstinément fidèle, depuis sa tendre jeunesse jusqu'à la vieillesse toute blanche ? Genève alors pourrait reprendre la tête de ce mouvement religieux qu'elle a vu surgir dans son sein. Seulement l'espèce de métempsycose que nous rêvons devrait être naturelle et de bon aloi : il nous faudrait un cas d'atavisme bien réel, bien authentique. En effet, s'il est toujours périlleux de vouloir imiter, c'est particulièrement le cas quand il s'agit d'hommes comme celui qui vient de nous occuper. On exagère les défauts, sans réussir à reproduire aucune qualité.

Encyclopédie des sciences religieuses (1877) : Ami Bost

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