nouveau
Lexilogos
documents
Encyclopédie

Canada et philosophie des Indiens


recherche
Encyclopédie > Canada
Canada   Québec
Encyclopédie

ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers

dirigée par Diderot & d'Alembert
(XVIIIe siècle)
Canada ou Nouvelle France

Pays fort vaste de l'Amérique septentrionale, borné à l'est par l'Océan, à l'ouest par le Mississipi, au sud par les colonies Angloises, et au nord par des pays deserts et inconnus. Ce pays est habité par plusieurs nations sauvages, qui ne vivent que de la chasse et de la pêche. Outre ces nations, les François y ont des établissemens considérables, et on y fait un grand commerce de pelleteries, que les sauvages apportent en quantité du produit de leur chasse. Le Canada est rempli de forêts, et il y fait très-froid. Les sauvages qui habitent ce pays adorent le soleil et un premier esprit, qu'ils regardent comme au-dessus de lui. La capitale du Canada est Québec.

Québec

Ville de l'Amérique septentrionale, capitale du Canada, avec une rade, un port, un château fortifié, et un évêché qui ne releve que du pape.

C'est au sieur de Champlain, gentilhomme de Saintonge, que les François doivent le premier établissement de Quebec. Il le commença en 1608, et y mourut en 1635, au bout de 27 ans de travaux. Cette ville est sur la rive septentrionale du fleuve S. Laurent, à six-vingt lieues de la mer, entre une petite riviere, qui porte le nom de S. Charles, et un gros cap, qu'on appelle le cap aux diamans, parce qu'on y trouve quelquefois de faux diamans, semblables aux pierres d'Alençon.


Les Anglois furent obligés de lever le siege de Quebec en 1690 ; mais ils ont pris cette ville en 1759.


En 1744. M. Gautier estima que son thermometre étoit descendu au 33 degré de celui de M. de Réaumur ; nous disons estima, car le mercure étant rentré dans la boule après le 32 degré, il n'a pu avoir le dernier terme du froid que par estimation, et ce froid se trouvoit environ 17 degrès plus fort que celui de 1709 dans nos climats, ce qui est le plus grand froid artificiel que Farenheit ait pu faire. Le singulier est que Quebec est à-peu-près sous le parallele de 46 à 47 degrés qui répondent au milieu de la France ; preuve bien évidente que le degré de froid ne dépend pas toujours du lieu où on l'observe.

Philosophie des Canadiens

Nous devons la connoissance des sauvages du Canada au baron de la Hontan, qui a vécu parmi eux environ l'espace de dix ans. Il rapporte dans sa relation quelques entretiens qu'il a eus sur la religion avec un de ces sauvages ; et il paroît que le baron n'avoit pas toûjours l'avantage dans la dispute. Ce qu'il y a de surprenant, c'est de voir un huron abuser assez subtilement des armes de notre dialectique pour combattre la religion Chrétienne ; les abstractions et les termes de l'école lui sont presque aussi familiers qu'à un Européen qui auroit médité sur les livres de Scot. Cela a donné lieu de soupçonner le baron de la Hontan d'avoir voulu jetter un ridicule sur la religion dans laquelle il avoit été élevé, et d'avoir mis dans la bouche d'un sauvage les raisons dont il n'auroit osé se servir lui-même.


La plûpart de ceux qui n'ont point vû ni entendu parler des sauvages, se sont imaginés que c'étoient des hommes couverts de poil, vivant dans les bois sans société comme des bêtes, et n'ayant de l'homme qu'une figure imparfaite: il ne paroît pas même que bien des gens soient revenus de cette idée. Les sauvages, à l'exception des cheveux et des sourcils que plusieurs même ont soin d'arracher, n'ont aucun poil sur le corps: car s'il arrivoit par hasard qu'il leur en vînt quelqu'un, ils se l'ôteroient d'abord jusqu'à la racine. Ils naissent blancs comme nous; leur nudité, les huiles dont ils se graissent, et les différentes couleurs dont ils se fardent, que le soleil à la longue imprime dans leur peau, leur hâlent le teint. Ils sont grands, d'une taille supérieure à la nôtre, ont les traits du visage fort réguliers, le nez aquilin; ils sont bien faits en général, étant rare de voir parmi eux aucun boiteux, borgne, bossu, aveugle, etc.


A voir les Sauvages du premier coup d'oeil, il est impossible d'en juger à leur avantage, parce qu'ils ont le regard farouche, le port rustique, et l'abord si simple et si taciturne, qu'il seroit très-difficile à un Européen qui ne les connoîtroit pas, de croire que cette maniere d'agir est une espece de civilité à leur mode, dont ils gardent entre-eux toutes les bienséances, comme nous gardons chez nous les nôtres, dont ils se moquent beaucoup. Ils sont donc peu caressans, et font peu de démonstrations : mais nonobstant cela ils sont bons, affables, et exercent envers les étrangers et les malheureux une charitable hospitalité, qui a dequoi confondre toutes les nations de l'Europe. Ils ont l'imagination assez vive : ils pensent juste sur leurs affaires: ils vont à leur fin par des voies sûres : ils agissent de sang froid et avec un phlegme qui lasseroit notre patience. Par raison d'honneur et par grandeur d'ame, ils ne se fâchent presque jamais. Ils ont le coeur haut et fier, un courage à l'épreuve, une valeur intrépide, une constance dans les tourmens qui semble surpasser l'héroïsme, et une égalité d'ame que ni l'adversité ni la prospérité n'alterent jamais.


Toutes ces belles qualités seroient trop dignes d'admiration, si elles ne se trouvoient malheureusement accompagnées de quantité de défauts : car ils sont légers et volages, fainéans au-delà de toute expression, ingrats avec excès, soupçonneux, traitres, vindicatifs, et d'autant plus dangereux, qu'ils savent mieux couvrir et qu'ils couvrent plus longtems leurs ressentimens. Ils exercent envers leurs ennemis des cruautés si inoüies, qu'ils surpassent dans l'invention de leurs tourmens tout ce que l'histoire des anciens tyrans peut nous représenter de plus cruel. Ils sont brutaux dans leurs plaisirs, vicieux par ignorance et par malice : mais leur rusticité et la disette où ils sont de toutes choses, leur donne sur nous un avantage, qui est d'ignorer tous les raffinemens du vice qu'ont introduit le luxe et l'abondance. Voici maintenant à quoi se réduit leur philosophie et leur religion.


1°. Tous les Sauvages soûtiennent qu'il y a un Dieu : ils prouvent son existence par la composition de l'univers qui fait éclater la toute-puissance de son auteur ; d'où il s'ensuit, disent-ils, que l'homme n'a pas été fait par hasard, et qu'il est l'ouvrage d'un principe supérieur en sagesse et en connoissance, qu'ils appellent le grand Esprit. Ce grand Esprit contient tout, il paroît en tout, il agit en tout, et il donne le mouvement à toutes choses ; enfin tout ce qu'on voit et tout ce qu'on conçoit, est ce Dieu qui subsistant sans bornes, sans limites, et sans corps, ne doit point être représenté sous la figure d'un vieillard, ni de quelque autre chose que ce puisse être, quelque belle, vaste, et étendue qu'elle soit: ce qui fait qu'ils l'adorent en tout ce qui paroît au monde. Cela est si vrai, que lorsqu'ils voient quelque chose de beau, de curieux, et de surprenant, sur-tout le soleil et les autres astres, ils s'écrient : O grand Esprit, nous te voyons par-tout !


2°. Ils disent que l'ame est immortelle; parce que si elle ne l'étoit pas, tous les hommes seroient également heureux en cette vie, puisque Dieu étant infiniment parfait et infiniment sage, n'auroit pû créer les uns pour les rendre heureux, et les autres pour les rendre malheureux. Ils prétendent donc que Dieu veut par une conduite qui ne s'accorde pas avec nos lumieres, qu'un certain nombre de créatures souffrent en ce monde pour les en dédommager en l'autre: ce qui fait qu'ils ne peuvent souffrir que les Chrétiens disent que tel a été bien malheureux d'être tué, brûlé, etc. prétendant que ce que nous croyons malheur, n'est malheur que dans nos idées ; puisque rien ne se fait que par la volonté de cet Être infiniment parfait, dont la conduite n'est ni bisarre, ni capricieuse. Tout cela n'est point si sauvage.


3°. Le grand Esprit a donné aux hommes la raison, pour les mettre en état de discerner le bien et le mal, et de suivre les regles de la justice et de la sagesse.


4°. La tranquillité de l'ame plaît infiniment à ce grand Esprit. Il déteste au contraire le tumulte des passions, lequel rend les hommes méchans.


5°. La vie est un sommeil, et la mort un réveil qui nous donne l'intelligence des choses visibles et invisibles.


6°. La raison de l'homme ne pouvant s'élever à la connoissance des choses qui sont au-dessus de la terre, il est inutile et même nuisible de chercher à pénétrer les choses invisibles.


7°. Après notre mort, nos ames vont dans un certain lieu, dans lequel on ne peut dire si les bons sont bien, et si les méchans sont mal ; parce que nous ignorons si ce que nous appellons bien ou mal, est regardé comme tel par le grand Esprit.

Québec

Canada

Encyclopédie de Diderot & d'Alembert

documents : index

Xavier Nègre   © Lexilogos 2002-2024