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Savoie
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ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers

dirigée par Diderot & d'Alembert
(XVIIIe siècle)
Savoie

Duché souverain d'Europe, entre la France et l'Italie. Il est borné au nord par le lac de Genève, qui le sépare de la Suisse ; au midi par le Dauphiné ; au levant par le Piémont et le Valais ; au couchant par le Bugey et la Bresse. Il a environ 30 lieues du midi au nord, et 25 de l'orient à l'occident ; mais toute cette étendue n'offre aux yeux qu'un pays stérile et pauvre, dont ses souverains ne retirent guere plus de deux millions ; cependant l'histoire de ce pays nous intéresse.


Le mot Savoie vient du latin Sapaudia, qu'on ne trouve point en usage avant le iv. siecle. Ammien Marcellin est le premier qui ait fait mention du pays de Sapaudia. On appelloit ainsi la partie septentrionale du territoire des Allobroges. La Sapaudia s'étendoit au-delà du lac de Genève, et comprenoit le pays de Vaud, dont la plus grande partie appartenoit à la Belgique et à la province nommée maxima Sequanorum.


La Savoie fut ancienement habitée d'une partie des Allobroges, des Centrons, des Nantuates, des Garocelles, des Véragres et des Salasses : les Allobroges occupoient le pays qui est entre le Rhône, au sortir du lac Léman ; les Nantuates, les Centrons et l'Isere ; c'est cette île dont parle Tite-Live, où Annibal s'arrêta avant que de passer les Alpes ; elle renfermoit une partie du Dauphiné, le duché de Savoie, le Fossigny et le Génevois ; les Centrons demeuroient dans les vallées des Alpes grecques, qui forment à-présent la Tarentaise ; les Garocelles habitoient aux environs du mont-Cenis ; les Véragres étoient entre les Nantuates et les Salasses, dans cette partie du Valais où est Martigny ; et les Salasses occupoient les vallées des Alpes qu'on nomme aujourd'hui la val d'Aoste.


Tous ces peuples furent vaincus par Auguste, à la reserve des Salasses, que Terentius Varo subjugua. Ils furent compris dans la Gaule narbonnoise, et partagés de façon que les Allobroges furent placés dans la troisieme Narbonnoise, et les Véragres et les Salasses dans la cinquieme, qu'on nommoit autrement la province des Alpes grecques.


Leur pays étant devenu la proie des barbares après la dissipation de l'empire, fut occupé tantôt par les uns et tantôt par les autres ; les Bourguignons en demeurerent les maîtres, et l'incorporerent au royaume qu'ils formerent d'une partie de la Gaule celtique et de la Gaule narbonnoise. Boson, comte d'Ardenne, qui avoit épousé Ermengarde, fille de Louis II. empereur d'Italie, se fit elire roi de Provence par les états assemblés à Mentale, au mois d'Octobre de l'année 879. Louis son fils fut aussi roi d'Italie, et on l'a surnommé l'aveugle, parce que Berenger lui fit crever les yeux, comme il alloit prendre possession de ce royaume. Il laissa d'Adélaïs, Charles Constantin, prince de Vienne, qui eut de Theberge, Amé, pere de Humbert aux blanches mains, chef de la maison de Savoie, dont l'origine a été recherchée par plusieurs écrivains avec peu de succès, et avec beaucoup de prévention pour leurs sentimens.


Sans entrer dans cette discussion généalogique, je dirai seulement que l'empereur Conrard le salique, donna la propriété d'une partie de la Savoie, avec le titre de comte, à Humbert aux blanches mains. Ses descendans s'agrandirent peu-à-peu par leur mérite, par leur habileté et par leurs alliances. Le comte de Romond reçut de l'empereur Richard son neveu, le titre de Vicaire de l'empire, avec l'investiture des duchés de Chablais et d'Aoûte. En 1218 il acquit toute la seigneurie de Vaud, et la ville de Berne se mit sous sa protection l'an 1266.


Amé de Savoie qu'on surnomma le grand à cause de sa valeur, fut créé en 1310, lui et ses successeurs, princes de l'empire par Henri VII. il fut arbitre des différens des rois de France et d'Angleterre, et mourut en 1323.


Amé VI. si connu sous le nom de comte verd, acquit la baronnie de Vaud, et une partie du Bugey et du Valromey. L'empereur Charles IV. lui céda tous les droits de l'empire sur le marquisat de Saluces. La ville de Coni se donna à lui l'an 1382, et Clément VII. lui fit présent du château de Dian. Il institua l'ordre du collier, qui a depuis été nommé l'ordre de l'Annonciade, et il établit par son testament de l'an 1383 le droit de primogéniture dans sa maison.


Amé VII. son fils, fut un des plus sages et des plus vaillans princes de son siecle. Les habitans des comtés de Nice, de Vintimiglia, de Barcelonnete, et des vallées voisines, se soumirent à lui. Il se tua d'une chute de cheval en 1391 en poursuivant un sanglier aux environs de Ripaille.


Amé VIII. obtint du comte de Genève, moyennant quarante-cinq mille francs d'or, tous les droits que les comtes de Genève avoient dans le Dauphiné, le Viennois et le Graisivaudan. L'empereur Sigismond érigea pour lui en 1416 le comté de Savoie en duché. Dans la suite ayant renoncé à ses états sans qu'on en ait pû découvrir la raison, il se retira à Ripaille, fut élu pape par le concile de Bâle, prit le nom de Félix V. consentit ensuite à sa déposition, et mourut à Genève en 1451.


Louis de Savoie son fils déclara le domaine de Savoie inaliénable, et fut reconnu par les Fribourgeois pour leur souverain.


Amé IX. eut une longue maladie qui le rendit incapable du gouvernement. Le regne de son successeur Philibert I. fut déchiré par des guerres civiles qui faillirent à ruiner la Savoie. Il mourut en 1482, âgé seulement de 17 ans. Charles I. son frere, qui lui succéda, finit sa carriere en 1489, dans la 21 année de son âge, après avoir remporté de grands avantages sur ses ennemis. Charles II. son fils mourut en 1496.


Charles III. eut un regne long, pénible et malheureux, outre que son duché devint le théâtre de la guerre entre François I. et Charles-quint. Les Bernois s'emparerent en 1536 du pays de Vaud, du pays de Gex, du Génevois et du Chablais ; mais Emmanuel Philibert, fils de Charles III. ayant remporté sur le connétable de Montmorency la célebre victoire de S. Quentin, fut rétabli dans ses états par le traité de Cateau-Cambrésis, et il épousa Marguerite de France, sœur du roi Henri II.


Charles-Emmanuel né de ce mariage, lui succéda l'an 1580. Ce fut un des plus grands princes de son tems, habile dans le cabinet, savant dans le métier de la guerre, et profond en politique. Il mourut à Savillan en 1630.


Victor-Amédée hérita des vertus de son père, et suivit les mêmes vues pour ses intérêts. Il entra dans la ligue du cardinal de Richelieu, et mourut à Verceil en 1637 dans la 7. année de son regne.


Charles-Emmanuel II. du nom, se maintint dans une grande harmonie avec la France, et mourut l'an 1675, laissant pour successeur Victor - Amédée Il. né en 1666. Ce prince épousa en 1684, Anne, fille de Philippe de France, duc d'Orléans, dont il a eu un fils Charles-Emmanuel III. aujourd'hui roi de Sardaigne, né en 1701 ; il tient le sceptre avec gloire.


Ce souverain, outre la Sardaigne et la Savoie, possede encore le Piémont, le Mont-Ferrat, la partie occidentale du Milanois, et d'autres états. La Sardaine ne lui vaut pas grand chose ; mais le Piémont lui rapporte seul plus de quinze millions. Charles-Emmanuel disoit à ce sujet qu'il tiroit de la Savoie ce qu'il pouvoit, et du Piémont ce qu'il vouloit.


Le roi de Sardaigne, c'est aujourd'hui son nom, gouverne ses états avec une autorité absolue, et entretient en tems de paix vingt mille hommes sur pié, outre dix mille hommes de milice, dont cinq mille sont habillés, et ont un sou par jour, et cinq mille autres qui sont désignés et à qui il ne donne rien.


La justice est administrée dans trois sénats, auxquels on appelle des tribunaux inférieurs. Le premier pour la Savoie est établi à Chamberi, capitale ; le second pour le Piémont, et le troisieme pour le comté de Nice et ses dépendances. Turin a encore un conseil qui connoît en dernier ressort des affaires des pays de-là les monts.


La religion catholique étoit autrefois la seule dont l'exercice fût permis dans les états de Savoie ; mais le roi de Sardaigne qui regne aujourd'hui connoît mieux ses avantages et ses intérêts. Le pays de Savoie est rempli de montagnes presque toujours couvertes de neige et de gibier. On recueille dans quelques endroits de ce duché du blé et du vin. Il est arrosé par l'Isere, l'Arve et l'Arche.


On divise tout ce pays en six petites provinces, qui sont la Savoie, le Génevois, le Chablais, le Foucigny, la Tarentaise, et la Maurienne.


La Savoie particuliere est entre le Génevois, la Tarentaise, la Maurienne, le Dauphiné et le Bugey : elle est partagée en neuf mandemens, qui sont ceux de Chamberi, Montmélian, Rumilly, Aiguebelle, Conflans, Aix, Beauges, Pont-Beauvoisin et les Echelles.

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