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John Bost

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Centenaire des Asiles John Bost
(1848-1948)
Discours du pasteur Marc Boegner
président de la Fédération protestante de France

Le souvenir de ma première visite aux Asiles John Bost s'impose aujourd'hui à mon esprit. C'était en 1901, il n'y a donc pas très loin d'un demi-siècle. La lecture des Mémoires d'Ami Bost — un livre captivant entre tous — m'avait introduit déjà dans l'intimité de la famille, à laquelle le fondateur des Asiles a si puissamment contribué à assurer une autorité spirituelle toute particulière dans le protestantisme français. Au foyer de mon oncle, le pasteur Fallot, j'avais fait la connaissance d'Ernest Rayroux, et une conférence donnée par lui sur les Asiles m'avait vivement ému. Venir pour la première fois à La Force, en réponse à une invitation de Mme Mignot, alors directrice de La Retraite, était dans ma vie d'étudiant un événement d'importance. Je ne vous en raconterai pas les détails. Mais comment ne nommerais-je pas tout au moins, avec une immense gratitude, ceux et celles qui m'ont alors accueilli et dont la rencontre, si brève qu'elle ait été, fut une grâce de Dieu : Ernest Rayroux, le docteur Jean Morin, Mlle Clère, Mlle Lapeyre, Mlle Roger, Mme Mignot enfin qui avait obtenu pour moi une chambre au Repos, dont les pensionnaires saluées au salon, comme il se devait, ne laissèrent pas de m'intimider.


Trente ans plus tard, j'avais le grand honneur de prêcher lors de la fête annuelle que présidait Raoul Allier. Je vous revins plusieurs fois par la suite, mais aucune de mes visites ne nie laisse d'aussi émouvants souvenirs que celle du 13 juin 1940. Nous vivions des jours d'anxiété et de détresse : le flot ininterrompu des réfugiés, des armées repoussées par l'envahisseur submergeait votre magnifique région. Ici, cependant, une grande lumière continuait de rayonner sur les ténèbres du monde, et les âmes, que faisait chanceler l'épreuve, réapprenaient à croire que l'amour est plus fort que la haine et la mort.


C'est donc depuis près de cinquante années que les Asiles ont une grande place dans mon cœur. Combien il m'est doux, en ce jubilé centenaire, d'exprimer, à ceux et à celles qui les administrent, les dirigent, les maintiennent sur le chemin de la foi, la reconnaissance de toutes les Églises de la Réforme groupées dans la Fédération protestante de France. Le privilège de pouvoir dire : merci aux Asiles, et plus encore merci à Dieu pour les Asiles, au nom des Églises réformées, réformées évangéliques, indépendantes, luthériennes, baptistes et évangéliques libres, je le ressens en ce moment avec une force toute spéciale. Aussi, notre gratitude est sans bornes pour tous les labeurs d'amour que Dieu a inspirés sur cette terre sacrée. Mais grande est aussi notre humiliation car, en face de ce que nous ont donné les Asiles, que leur avons-nous donné ? Toujours, nous avons peur de trop donner, comme le montraient à John Bost les amis parisiens des Asiles, alors qu'il leur annonçait la fondation d'Ében-Hézer. Et jamais, grâces en soient rendues à Dieu. les collaboratrices et collaborateurs des Asiles n'ont reculé devant le don total de leurs forces, de leur cœur et de leur vie Pour cette constante inspiration, je me fais aussi l'interprète de la reconnaissance de tous.


Permettez-moi d'être très simplement heureux d'exprimer ces sentiments devant les deux familles qui peuvent se réclamer de John Bost, à sa famille selon la chair, dont je salue, en votre nom, les nombreux représentants : la famille selon l'esprit, qui se sait, non pas seulement responsable d'un héritage moral, mais honorée d'une vocation très haute, à laquelle Dieu seul peut la rendre capable de répondre par une consécration toujours renouvelée.


Vous avez conscience de cette responsabilité, mon cher président et ami, vous qui célébrez cette année vos noces d'argent avec le conseil d'administration des Asiles et qui, à la présidence de celui-ci, ne cessez de donner la mesure de votre amour pour l'œuvre la plus émouvante du protestantisme français. Et M. Roger de Luze, que je vois à vos côtés, depuis 25 ans lui aussi, membre du conseil, trésorier d'un incomparable dévouement, mérite bien qu'en même temps qu'à vous, nous lui disions merci. Un conseil véritablement œcuménique vous seconde dans l'administration des Asiles. Toutes les tendances, toutes les dénominations du protestantisme français se rassemblent ici, et c'est encore une des grâces que Dieu nous accorde par les Asiles, qu'ils nous unissent tous dans l'amour des malades, en qui Jésus-Christ nous attend pour que nous reconnaissions en eux sa mystérieuse présence et qu'en les servant, nous le servions lui-même.


De cet amour qui s'oublie et se donne, la direction et le personnel des Asiles donnent à tous l'exemple le plus fécond. Tous, du plus humble au plus élevé, sont venus ici parce qu'ils ont la vocation de l'amour sans lequel, dit l'apôtre, notre foi et nos œuvres demeurent sans valeur. Que de visiteurs des Asiles ont été saisis, parfois bouleversés, par la contagion de cette surnaturelle charité ! Je me rappelle le jour où, peu avant la guerre, j'accompagnai aux Asiles M. Marc Rucart, ministre de la santé publique, qui avait répondu avec empressement à votre invitation. Relisez ce qu'il écrivit sur votre livre d'or avant de se retirer : dans le regard de tous ceux qui soignent vos pensionnaires, il avait reconnu la clarté et la douceur d'un amour qui vient de Dieu.


En vérité, à tous les sceptiques qui s'écrient en parlant des chrétiens que nous prétendons être : « Ils disent et ne font pas », je conseille une visite aux Asiles John Bost. La preuve leur sera administrée que l'Église de Jésus-Christ ne renferme pas que des chrétiens hypocrites, et qu'elle ne cesse de voir susciter en elle, par l'amour du Christ, des hommes et des femmes qui ne savent qu'une chose, c'est que connaissant l'amour par le don que Jésus-Christ leur a fait de sa vie, ils doivent désormais donner leur vie pour leurs frères.


Voilà l'essence du christianisme ! Mais nul ne peut y atteindre, s'il n'est pas en communion avec Jésus-Christ. « Le christianisme, c'est Jésus-Christ », aimait à dire Daniel Le Grand, le disciple d'Oberlin, au Ban de la Roche [1]. Hors de Jésus-Christ, nous ne pouvons aimer d'un amour qui, allant à lui dans la personne des plus misérables des enfants des hommes, reçoive de lui le secret d'une persévérance qui triomphe de tous les obstacles et ne se laisse décourager par aucun refus.


L'avenir des Asiles John Bost est indissolublement lié à cette vocation d'aimer, qui s'est incarnée dans leur fondateur avec une si émouvante puissance, qui est la vôtre à vous, frères et sœurs, qui portez avec tremblement mais avec foi, dans vos cœurs et dans votre intercession, le destin de l'œuvre qui vous est confiée. Les Églises de France, dans l'étape nouvelle que les Asiles commencent aujourd'hui, vous accompagneront d'une intercession et d'une collaboration que je souhaite toujours plus fidèles et plus généreuses. Et d'avance, je salue le jour où, célébrant le 150e anniversaire de votre fondation, nos petits-enfants apprendront des Asiles John Bost, à travers des vies qui se donnent, la vérité de l'affirmation apostolique :

« Dieu est amour ! »

Marc Boegner
Président de la Fédération protestante de France
Notre prochain
centenaire des Asiles (1948)

Marc Boegner


Notes :

- Voir Musée protestant & Wikipédia : Marc Boegner (1881-1970).

- Voir Musée protestant & Wikipédia : Jean-Frédéric Oberlin (1740-1826), pasteur alsacien.

Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lumières pionnier de l'économie de montagne, par Marie-Noële Denis, in Des ressources et des hommes en montagne (2017)

La vie de Jean-Frédéric Oberlin (1740-1826), de Daniel Stœber, revu par Camille Leenhardt (1911)

Notice sur Daniel Legrand par Frédéric Monnier (1859)

- Voir Musée protestant : le pasteur Tommy Fallot (1844-1904) est né au Ban de la Roche (Alsace), initiateur du « christianisme social », est l'oncle de Marc Boegner.
Marc Boegner est le fils de Jenny Fallot. Ils font partie de la famille Brisechoux, de Montbéliard.

- Voir Notre prochain (1998) à l'occasion du 150e anniversaire de la fondation John Bost.

Jubilé cinquantenaire des Asiles de John Bost (1848-1898)

Jubilé de la fondation des Asiles John Bost par le pasteur Ernest Rayroux, directeur des Asiles

Cinquantenaire de la fondation des Asiles John Bost par le pasteur Joël Laforgue

Discours du missionnaire François Coillard

Souvenirs par son frère Élisée Bost

Discours de Timothée Bost & Réponse aux frères Bost par Henri Couve



John Bost : index des documents

portraits de John Bost : photographies



Notice historique de la fondation des Asiles de Laforce par John Bost (1878)

L'Église chrétienne considérée comme Asile de la souffrance : thèse de John Bost présentée à la faculté de théologie de Montauban (1880)

Asiles de Laforce en 1878 : liste des bâtiments & résidents

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