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Jackson Frères à Saint-Étienne




Notices biographiques stéphanoises
par Denis Descreux (1868)


JACKSON FRERES. Ou a cru pendant longtemps que la fabrication de l'acier était un secret que l'Angleterre seule possédait. Ce n'est qu'à partir de 1786 qu'on commença à connaître sa composition, en quoi il différait du fer et ce qui constituait l'opération de sa formation. L'Europe dut cette connaissance à MM. Berthollet, Mouge et Vandermonde. Ces savants publièrent sur cette matière un travail important et qui fit époque. Depuis, il fut fait, pour établir cette industrie parmi nous, des tentatives qui n'eurent pas de succès heureux. Cependant, à l'Exposition de 1806, plusieurs fabricants français dont la persévérance était digne d'éloges, présentèrent divers échantillons d'acier qui furent reconnus d'une assez bonne qualité, mais on y vit pas d'échantillon.d'acier fondu ni d'acier façon d'Allemagne. La France resta donc tributaire de l'Angleterre de tout l'acier fondu qu'elle employait dans ses manufactures jusqu'à la fin de 1814, époque à laquelle M. Jackson père vint se fixer eu France avec sa famille, sous les auspices du gouvernement. C'est à lui que la France doit l'importation de la fabrication de l'acier fondu d'après la méthode anglaise.

Au commencement de 1813, il intervint un contrat entre le comte Chaptal, ce grand protecteur de l'industrie, stipulant pour le gouvernement, et MM. Jackson père et fils, d'après lequel, ces derniers prirent l'engagement de produire de l'acier fondu égal au meilleur acier anglais, sous la condition que l'Etat leur accorderait une prime d'encouragement de 20 francs pour chaque quintal d'acier de cette qualité qu'ils verseraient dans le commerce.

Dans la même année, Saint-Étienne vit s'élever la première fabrique d'acier fondu, d'après la méthode anglaise. Elle fut construite par MM. Jackson, au lieu de Trablaine, à quelque distance de notre ville. Cet établissement fit peu de progrès à Trablaine; mais en 1820, il fut transporté au Soleil où les fondateurs introduisirent graduellement et d'une manière sensible, d'utiles améliorations. Là encore, un concours de circonstances fortuites empêcha qu'ils ne donnassent à leur aciérie toute l'extension qu'elle était susceptible de recevoir.

Enfin, en 1830, MM. Jackson portèrent le siège de leur industrie à Assailly, près de Rive-de-Gier : c'est là véritablement que leur aciérie s'agrandit et acquit une grande prospérité.

« L'Exposition de 1819, disait le Jury, a appris au public que l'important problème de la fabrication de l'acier est complètement résolu. La France n'en est plus réduite à de simples tentatives. La fabrication est aujourd'hui établie en grand, et fournit abondamment aux besoins du commerce. Vingt- un départements ont envoyé à l'exposition des échantillons d'acier de toute espèce. »

Mais parmi tous ces établissements, deux surtout fixèrent particulièrement l'attention du Jury : celui de Jackson frères et celui de la Berardière.

La fabrique Jackson occupait le premier rang pour ses aciers fondus, et celle de la Berardière venait d'affranchir la France du tribut onéreux qu'elle payait pour tous les aciers dits façon d'Allemagne, que nous tirions exclusivement de cette puissance.

Lorsque cette dernière usine fut acquise et réunie à celle d'Assailly en 1837, l'aciérie de MM. Jackson devint la plus considérable de France.

Le 30 avril 1840, ils firent partie de la Société pour la fabrication des faulx et faucilles de la Terrasse, ce qui permit de donner à ce bel établissement un plus grand développement, en employant dans la confection de ses produits l'acier fondu d'Assailly au lieu de l'acier cémenté dont on avait fait usage jusqu'alors.

En 1842, le nom, déjà si honorablement connu, de Jackson frères s'attacha à la maison Peugeot aîné, à Pont-de-Roide (Doubs), pour la fabrication en grand des scies en acier laminé, dont les produits étaient avantageusement connus dans le commerce. Et en 1852, ils devinrent propriétaires de l'importante usine de Toga (Corse), fermée par suite des événements de 1848.

Ces grands industriels avaient alors des intérêts dans plusieurs entreprises commerciales qui toutes ont prospérées.

Nous voyons dans le rapport du Jury de l'Exposition universelle de 1855 : « Qu'à la tête de l'industrie des aciers se place indubitablement la maison des frères Jackson, qui se sont associés dernièrement avec de très-habiles maîtres de forges de la localité, MM. Petin et Gaudet. La maison Jackson frères, Petin et Gaudet, la plus importante de toutes celles qui se livrent en France à la production de l'acier, est aussi une des plus anciennes. Sa production ne va pas à moins de 6 millions de kilog. d'acier fondu, indépendamment de 500,000 kil. qu'elle vend à l'état d'acier raffiné. Une production aussi considérable excède de beaucoup celle même des plus puissantes maisons anglaises. Cette maison ne se contente pas de produire de l'acier, elle le met en œuvre sur de vastes proportions.

Les premiers sur le continent, ou au moins en France, MM. Jackson ont appliqué l'acier fondu à la fabrication des faulx. Ils fabriquent à cet effet un acier fondu tendre qui est de leur invention, et dans la composition duquel entre en partie le fer de l'Ariège ; c'est un acier qui se prête au martelage comme les aciers naturels, et qui se vend à des prix peu élevés. »

La grande médaille d'honneur fut décernée à la maison Jackson frères, Petin et Gaudet.

Pour juger du rapide progrès de cette industrie dans l'arrondissement de Saint-Étienne, il suffit de rappeler la quantité de produits livrés au commerce à diverses époques.

Ainsi, du 1er juillet 1851 au 1er juillet 1852, les produits étaient de 3,550,000 kil. représentant la valeur de 4,360,000 fr.

L'aciérie Jackson était comprise pour 2,500,000 kil., valeur, 3,000,000.

Du 1er juillet 1852 au 1er juillet 1853, la production s'éleva à 4,200,000 kil. représentant une valeur de 5,100,000 fr.

L'usine d'Assailly fournit 3,000,000 k., valeur, 3,600,000 f.

Et en 1855, la maison Jackson seule fabriqua 6 millions de kilos d'acier fondu et plus de 500,000 kilos d'acier raffiné.

Dès l'Exposition de 1823, Jackson frères avaient obtenu une médaille d'or qui fut rappelée en 1834 et en 1839; et à celle de 1849, le Jury leur décerna une nouvelle médaille d'or; enfin, à l'Exposition universelle de 1855, la Société Jackson frères, Petin et Gaudet, reçut, comme on vient de le dire, la grande médaille d'honneur.

Deux des membres de cette famille, MM. William et Charles Jackson obtinrent la décoration de la Légion d'honneur.

Un espace de cinquante ans a vu MM. Jackson arriver à Saint-Étienne, y implanter une nouvelle industrie, lutter pendant vingt ans avec intelligence et énergie, arriver enfin aux plus beaux succès et disparaître du pays ; l'un d'eux, M. James Jackson, s'était séparé de ses frères et a fondé près de Bordeaux une usine métallurgique importante. Les autres sont morts, et aucun de leurs fils n'habite plus notre pays ; mais la Société que MM. Jackson avaient fondée avec MM. Petin et Gaudet, a continué à prospérer et à grandir sous l'habile administration de ces derniers ; à la fabrication des aciers elle joint celle des grandes fournitures pour la marine, l'artillerie et les chemins de fer. Les établissements de cette société à Saint-Chamond et à Rive-de-Gier sont au nombre des plus grandes usines de France et l'une des gloires industrielles de notre pays.



Denis Descreux
ancien secrétaire de la mairie
ancien secrétaire-archiviste de la chambre de commerce






James Jackson, La chambre de commerce de Saint-Étienne et les industries de sa circonscription, Métallurgie, Lucien Thiollier (1891)

James Jackson, Monographie et histoire de la ville de Saint-Étienne, Métallurgie, Victor Jannesson (1892)


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