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Marmotte

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La marmotte ou la souris des montagnes

L'étymologie de ce mot présentée par les dictionnaires français me semble particulièrement fumeuse ! Le nom apparaît vers le XIIe siècle dans l'aire du franco-provençal. L'hypothèse la plus courante que l'on retrouve dans les dictionnaires, c'est l'onomatopée. La marmotte, c'est l'animal qui marmotte, c'est à dire marmonne, murmure… D'autant plus qu'en allemand, l'animal porte le nom de Murmeltier : c'est, littéralement l'animal (Tier) qui marmonne, marmotte (murmeln). Les autres langues ne peuvent nous aider, puisqu'elles ont emprunté ce mot au français :

en italien : marmotta
en espagnol : marmota
en anglais : marmot

Le problème, c'est que la marmotte ne marmonne pas, elle siffle ! Elle ne fait pas mmm… mmm… mais sssss… sssss…! Les Québécois l'appellent d'ailleurs, et justement, le siffleux (au masculin).

L'allemand Murmeltier a été déformé par l'étymologie populaire. Ce nom vient de l'ancien haut allemand muremunto dont l'origine est la même que murmont en romanche et d'autres termes de la même famille dans les dialectes alémaniques de Suisse.

Ces mots viennent du latin murem montis (forme à l'accusatif).

En latin, on ce charmant animal porte le nom de mus montis : c'est la souris de la montagne. Le latin mus (au génitif muris) possède la même origine indo-européenne que l'anglais mouse. En latin, la montagne se dit mons (au génitif montis) d'où le mont. Pour connaître l'évolution d'un nom latin, il faut prendre le nom à l'accusatif et supprimer la terminaison (mur-, mont-).

L'emploi de ce mus est répandu : par exemple, l'hermine est une souris d'Arménie, mus armenia.

En ancien français, on employait les noms de marmotaine, marmotan, marmote.

Dans les Alpes provençales, on emploie aussi le nom de muret pour désigner la marmotte (en provençal : marmoto). Une muretière, c'est un terrier de marmotte (en provençal : muretiero).

L'allemand Murmeltier a donné en français le murmel qui désigne la fourrure de marmotte.

Les dictionnaires anglais présentent marmot comme un mot d'origine française, lui-même issu du latin mus montis. Espérons qu'un jour les auteurs des dictionnaires français se rendront compte qu'une marmotte, ça siffle !

La montagne qui accouche…

Une fable de La Fontaine est intitulée : La montagne qui accouche… d'une souris ? Jean de la Fontaine, mais aussi avant lui Rabelais, s'est inspiré d'un vers célèbre d'Horace, traduction d'un proverbe grec :

Parturient montes, nascetur ridiculus mus.
La montagne va accoucher d'une ridicule souris (traduction classique).

Mais n'est-ce pas étrange qu'une montagne accouche d'une souris ? Cet animal dont parle Horace ne serait-ce pas la mus montis, la souris des montagnes, que nous appelons aujourd'hui la marmotte ?

Ne devrait-on pas parler, plus justement, de la montagne qui accouche d'une marmotte ?

La montagne accouche d'une souris

illustration de Gustave Doré


Nec sic incipies, ut scriptor cyclicus olim :
« Fortunam Priami cantabo et nobile bellum. »
Quid dignum tanto feret hic promissor hiatu ?
Parturient montes, nascetur ridiculus mus.


Bien entendu, tu ne commenceras pas, comme jadis le poète cyclique :
« Je chanterai la destinée de Priam et la guerre fameuse… »
Comment tenir une promesse faite d'une voix si éclatante ?
La montagne va accoucher d'une ridicule marmotte
.

Horace, Vers poétiques, 136-139

La mocquerie est telle que la montaigne d'Horace,
laquelle crioyt et lamentoyt énormément comme femme en travail d'enfant.
À son cris et lamentation accourut tout le voisinage,
en expectation de veoir quelque admirable et monstrueux enfantement ;
mais enfin ne nasquit d'elle qu'une petite souris.

François Rabelais, Tiers-Livre, XXIV

La Montagne qui accouche

Une montagne en mal d'enfant
Jetait une clameur si haute
Que chacun, au bruit accourant,
Crut qu'elle accoucherait sans faute
D'une cité plus grosse que Paris.
Elle accoucha d'une souris.

Quand je songe à cette fable,
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable,
Je me figure un auteur
Qui dit : « Je chanterai la guerre
Que firent les Titans au maître du tonnerre. »
C'est promettre beaucoup : mais qu'en sort-il souvent ?
Du vent.

Jean de la Fontaine

jour marmottes

la Chandeleur : Journée des marmottes (!) (2 février) & origine de la marmotte d'Amérique, groundhog, woodchuck

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étymologie : dictionnaire

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