archives famille
Meynard
carte de postale des pins de Meynard

allée de Meynard sous les pins parasols

gravure de Meynard
entrée de Meynard

Meynard en 1937

Noces de diamant d'Ami & Jenny Bost à Meynard

Noce de diamant d'Ami & Jenny Bost, le 23 juillet 1874

façade de Meynard
Meynard en 1914

Meynard en 1914

Henri Bost et ses fils Jacques Édouard René

Meynard en 1915
Henri Bost et son épouse Émillienne Fischer
et leurs trois plus jeunes fils : Jacques, Édouard et René

façade de Meynard
carte postale de Meynard
carte postale de Meynard

Meynard, façade est

Meynard

Meynard, façade nord

maquette de Meynard

maquette de Meynard
exposée à la Maison John & Eugénie Bost

Plan de Meynard

plan de Meynard, réalisé par René Bost (rez-de-chaussée & 1er étage)


Texte paru dans Notre prochain, la revue de la Fondation John Bost,
à l'occasion du centenaire de la mort de John Bost (1881-1981)



Meynard

Une magnifique allée de pins parasols, quelques anciens bâtiments de ferme, deux palmiers, un vieux mur, un cimetière familial en pleine terre. Voilà tout ce qui reste aujourd'hui, depuis l'incendie du 20 juin 1944, d'une magnifique demeure séculaire de cinquante pièces, riche de meubles qu'on ne fait plus, de livres irremplaçables, mais plus encore d'une très belle histoire que nous allons en quelques phrases vous conter.


Meynard ! Le domaine, avec Chauprenat et douze métairies, depuis des siècles à la famille Escot-Meynardie de Ponterie, vieille famille périgourdine et huguenote, qui donna en particulier à la France, à la fin du XVIIIe siècle, un maire de Bergerac, député de la Dordogne et membre du Conseil des Cinq Cents, le propre grand-père d'Eugénie, future Madame John Bost.


C'est ici qu'en 1844 arriva le jeune pasteur John Bost, 27 ans, qui venait d'être nommé à La Force. Célibataire, il fallait bien le recevoir. À Meynard, il y avait de la place, mais surtout une tradition d'accueil et un engagement spirituel convaincu. C'est dans le grand salon de cette maison que le pasteur John Bost célèbre la Cène pour la première fois.

La suite de l'histoire, presque un roman, la voici trop vite résumée à travers quelques citations empruntées au second volume (il y en a trois), des Mémoires de mes fantômes que Charles Bost vient de consacrer à cette famille hors du commun. [1]


M. Ponterie, généreux, avait donné le terrain sur lequel on construisit le temple, avait logé et nourri John Bost, avait payé la totalité, ou du moins une partie de la pension de son frère Théophile au collège de Sainte-Foy pendant trois ans et reçu ce dernier et Étienne, un autre frère (John avait neuf frères et une sœur) pendant les vacances. M. et Mme Ponterie avaient un fils, Charles, décédé à 20 ans en 1852 et une fille, Eugénie, née en 1834, à qui John Bost, qui parlait couramment l'anglais et l'allemand, donnait des leçons de langues vivantes, de latin et de piano. Par sa vive intelligence, son application, sa grâce souriante, l'élève, année après année et bien inconsciemment, finit par séduire le professeur. Il est impossible de dire quand la séduction fut réciproque, mais les parents d'Eugénie qui commençaient à recevoir de nombreuses demandes en mariage pour leur fille, se heurtaient, chaque fois qu'ils les transmettaient à l'intéressée, à un relus systématique. Ils comprirent alors quelle était la nature de son penchant pour son ancien pasteur et professeur. Car si M. Ponterie avait beaucoup d'attachement et même d'admiration pour lui, s'il avait accepté, dès la fondation du premier pavillon, La Famille évangélique en 1848, la vice-présidence du comité de direction de cet asile, il jugeait que John Bost manquait de mesure dans ses projets et ses initiatives.


Lorsque, après le temple, la Famille et le presbytère, on vit naitre Béthesda, puis Siloé et que John Bost fit part de la nécessité d'ouvrir une quatrième maison pour les épileptiques (Ében-Hézer), alors qu'il se débattait constamment dans des difficultés financières pour faire face à ses engagements, M. Ponterie, qui n'assistait déjà plus aux séances du comité depuis 1849, préféra ne plus s'associer à des opérations qu'il estimait à la fois imprudentes et déraisonnables et donna sa démission en 1858, ainsi que plusieurs de ses collègues. Alors, donner sa fille, héritière unique, à cet homme toujours à court d'argent, c'était trop lui demander : sa raison et son cœur s'y opposaient.


En 1849, John Bost comprenant qu'il ne pouvait plus rester à Meynard, s'installa provisoirement chez ses paroissiens Imbert au Bourg d'Abren, à six kilomètres de là. Eugénie, elle, ne quittait pratiquement plus la grande maison, ou, tout au moins, la propriété, sauf le dimanche, en compagnie de sa mère, pour se rendre au temple où elle tenait l'orgue.


Les demandes en mariage continuaient à affluer et, chaque fois, les parents Ponterie répondaient par la négative, en quelques mots de regrets, sans préciser, bien entendu, les raisons du refus. Ainsi se produisit cet état de choses exceptionnel : une jeune fille au nom célèbre dans la région, fortunée, belle physiquement, aux traditions familiales exemplaires, fille unique par surcroît, qui devait demeurer célibataire jusqu'à l'âge de 27 ans. On racontait qu'un jour, elle consentit tout de même à se rendre à Bergerac avec ses parents ; et, comme la voiture où elle avait pris place, passait au retour à La Force devant le presbytère, son père, qui était assis en face d'elle, ouvrit tout grand un parapluie dans l'éventualité où le pasteur se serait trouvé à la fenêtre !


Quant à John Bost, certains de ceux dont la demande avait été évincée faisaient courir sur lui des bruits désobligeants. Il n'était pas normal de voir un pasteur célibataire de 35 ans loger de jeunes orphelines, saines de corps et d'esprit. Et lui, pendant ce temps, était seul dans son presbytère, entre deux voyages de collecte, entre deux asiles à construire, entre deux réunions religieuses, entre deux morceaux de piano. « Toutes les relations avec Eugénie Ponterie furent rompues », écrit son frère Élisée, les cœurs restant fidèles malgré tout. Ce n'est qu'au temple qu'ils pouvaient se voir, mais John n'avait pas le temps de broyer du noir et il vivait dans la certitude qu'un jour ou l'autre le père cèderait.


Il en fut bien ainsi. Le 25 avril 1861, comme John Bost se trouvait sur le chantier où se construisait Ében-Hézer, il vit arriver vers lui deux chevaux, dont l'un était monté par un domestique de Meynard, l'autre tenu par la bride et sans cavalier. Le domestique lui dit :

« Mme Ponterie vous prie, Monsieur, d'enfourcher ce cheval et de m'accompagner à Meynard ; elle désire vous voir tout de suite, Monsieur est très malade. »


John Bost partit. Il était attendu en effet. On le fit monter dans la grande chambre du 1er étage. M. Ponterie était alité : extrêmement faible, son épouse et sa fille auprès de lui. Il eut tout de même la force de prendre dans l'une de ses mains une main d'Eugénie, dans l'autre une main de John Bost, de les rapprocher et de murmurer : « Amen ! »

Le lendemain à 15 heures. il mourait.

Une semaine plus tard, les fiançailles étaient officielles et Mme Ponterie que ces évènements avaient profondément affectée, décida de fixer la date du mariage sans plus attendre. Il eut lieu deux mois plus tard : elle avait 27 ans, lui 44 : une nièce d'Eugénie avait assisté, à l'âge de 11 ans, à la cérémonie et en avait gardé un souvenir ébloui : Eugénie, grande, de taille élancée, jolie, avec un regard enfin souriant, où il y avait beaucoup de bonté, de douceur et aussi, de vive intelligence ; la nièce parlait beaucoup de sa robe et d'une traine très longue qui était une splendeur ! Lui, à peine plus grand qu'elle (1,72 m.), en habit, svelte, élégant toujours, un visage aux traits fins, dominé par un front lumineux. M. Ponterie étant décédé récemment, on avait décidé de « faire les choses simplement » suivant la formule. Mais les 19 domestiques de Meynard (maison et propriétés) qui prenaient chaque jour leurs repas à la cuisine, avaient mis sur la route une épaisse jonchée de verdure ininterrompue de Meynard jusqu'au temple : trois kilomètres. Et la foule était innombrable.


Mme John Bost avait tout pour elle : l'intelligence, le jugement, l'esprit pratique, une résistance physique incroyable, une générosité qui ne se lassait pas et se manifestait avec une discrétion exemplaire, l'autorité et le tact, toutes les vertus d'une maitresse de maison, le don de plaire et de convaincre, enfin une spiritualité profonde à laquelle elle consacrait un temps qu'elle prenait sur son sommeil ou sur un repos qui lui manque toujours.


Les Asiles, l'Église, et sa maison accaparèrent son existence. Levée chaque matin à cinq heures, elle recevait les domestiques à 5 h ½ et distribuait leurs tâches. Elle prenait une part active à la vie des Asiles, aidant son mari lorsqu'il était là, le remplaçant en son absence. Le 24 février 1862, John, qui faisait une tournée de collecte, écrivait à son frère Élisée :

« Ma chère Eugénie, écrasée par le travail et par le poids du baby, me réclame. »

Le baby en question était Leïla, leur premier enfant, future Mme Charon.

En 1864, devait arriver Caroline. future Mme Jalaguier.

En 1886, Henriette, qui ne vivra que six semaines.

En 1887, Henri, décédé en 1945, père de John, Gaston, Édouard, Jacques et René.


À Meynard, arrivèrent en 1874, le pasteur et Mme Ami Bost, parents de John, qui fétêrent ici-même, le 23 juillet, leurs noces de diamant, entourés de trente-trois descendants, dont huit fils, qui logèrent tous à Meynard et participèrent à un mémorable dîner de deux cent cinquante couverts. Cette même année. ils devaient mourir l'un et l'autre dans cette maison.




Meynard était devenu le lieu de rencontre, et de séjour, d'une foule de gens. C'était le quartier-général de John, où il recevait ses paroissiens, ses catéchumènes, ses conseillers presbytéraux, les directeurs et le personnel de ses Asiles, les pensionnaires qui venaient fêter la saint Jean ou quelque autre évènement, les personnes qui menaient de nouveaux pensionnaires, les « bienfaiteurs », les autorités, etc…


Il voulut en faire une sorte d'hôtel de première catégorie pour tous ces hôtes.

« Phénomène curieux et assez inexplicable, dit Gaston Bost, lui qui avait connu, au cours de son enfance, puis de sa jeunesse, pauvreté et privations, se plaisait dans le monde, aimait les réceptions brillantes, appréciait la fréquentation des lords anglais, des personnages haut placés ! Meynard était une gentilhommière vaste et confortable ; cela ne lui suffit pas, il en fit un château. Il était obligé de beaucoup recevoir, mais était-il bien nécessaire de doubler, en longueur et en largeur, une galerie à double colonnade ? Et ce pavillon au nord-est et cette tourelle à l'angle opposé, et ces chambres supplémentaires portant à cinquante le nombre total des pièces c'est lui qui les a voulus… Il aimait les chevaux et les voitures mais il lui fallait beaucoup de chevaux, beaucoup de voitures, et toujours ce qu'il y avait de mieux. Quand il offrait un dîner, sa femme le consultait pour le menu, pour le choix du service (vaisselle, argenterie, verres…). La tenue des domestiques devait être impeccable… »

À Meynard, les soupers de plus de dix invités n'étaient pas rares. Et quels menus ! trois plats de viande, plus tout le reste. Ces invités que l'on avait accueillis à la gare de Bergerac, amenés en voiture à La Force, guidés dans les Asiles au cours de la journée, John les recevait le soir, en habit, à sa table. Puis on passait au salon, et il jouait, superbement, quelque morceau de Beethoven, de Mozart, de Listz…



Après l'inauguration de la Compassion — le dernier de ses neuf Asiles — le 7 février 1881, John Bost à la santé déjà fragile continua cependant ses voyages et ses tournées pour les Asiles. Il mourut à Paris le 1er novembre 1881 et après un service funèbre à l'Oratoire du Louvre, c'est ici à Meynard, le 5 novembre, qu'eut lieu une cérémonie familiale précédant celle du temple des Asiles et celle de l'inhumation au cimetière de La Force. C'est d'ici que partit un interminable cortège qui, dit l'histoire, relia d'une chaine humaine ininterrompue Meynard à La Force, symbole vivant d'un lien entre un homme et une paroisse, une famille et un village, un serviteur de Dieu et son œuvre.


Mme John Bost devait mourir à Meynard le 24 octobre 1887.


Du 1er au 14 juin 1898, pour le cinquantenaire des Asiles, deux des quatre frères de John encore vivants, Timothée et Élisée, vinrent ici, entourés de vingt-huit membres de la famille.


La suite de l'histoire de cette maison intimement liée à celle de la famille Bost. se déroula sans problème sauf, sans doute, celui de plus en plus difficile de la marche de la propriété jusqu'en 1944.

Le 20 juin de cette année, alors que la Résistance s'était installée à Meynard, puis en était partie, parce que peut-être les Allemands ayant quitté Bergerac, y étaient revenus — on ne sait au juste — un incendie se déclara dans l'extrémité sud du château. puis s'étendit à toute la maison et l'anéantit. La responsabilité du désastre ne fut jamais établie.


M. Henry Bost, veuf depuis 1930, devait décéder en février 1945. Ses trois fils devinrent donc propriétaires, mais ils résidaient, l'un à Bordeaux, deux à Paris. Et comme les terres sans l'immense maison et tout son contenu ne présentaient plus le même intérêt pour eux, ils offrirent au conseil d'administration de la Fondation de lui céder la propriété par priorité à tous autres. L'accord lut conclu en 1946.

Depuis cette date, la Fondation s'est occupée avec plus ou moins de bonheur de cette grande ferme et de la forêt qui l'entoure. Quelques expériences ont été tentées avec souvent la participation des résidents de la Fondation.

Maintenant, en 1981, grâce à quelques restaurations et constructions, avec la création ici-même d'ateliers interpavillonnaires d'ergothérapie, voici Meynard qui vit, qui revit, qui redevient un carrefour, qui retrouve son âme.


Si John Bost revenait, il ne verrait plus son château, il ne verrait plus ses salons, ses pianos, ses chevaux, mais au bout de l'allée de pins toujours là, au pied de ce petit salon de thé témoin d'une autre époque, il les retrouverait tous et toutes, débiles, épileptiques, handicapés mentaux, de Béthesda, d'Ében-Hézer ou du Bourg d'Abren, heureux d'être à Meynard, sa maison, leur maison.


« Esprit, viens des quatre vents, souffle sur ces murs, souffle sur ces morts et qu'ils vivent ! » [2]



Notre prochain (1981)
revue de la Fondation John Bost
à l'occasion du centenaire de la mort de John Bost
Notes

1- Charles-Marc Bost, auteur de Mémoires de mes fantômes (1981), est le fils de Charles Bost, petit-fils dz Élisée Bost, frère de John.

2- Ézéchiel 37, 9.

Géoportail : Carte IGN & vue satellite de Meynard

Meynard cadastre

Meynard (commune de Prigonrieux)
cadastre napoléonien

Meynard en 1914 : témoignage de Cécile Nézelof, 8 ans

famille Meynardie-Ponterie

L'affaire Ponterie-Escot (1807)

Eugénie Ponterie (1834-1887)

John Bost : index des documents

portraits de John Bost : photographies & gravures

La Force

Château de La Force



Notice historique de la fondation des Asiles de Laforce par John Bost (1878)

Asiles de Laforce en 1878 : liste des bâtiments & résidents

La Famille - Béthesda - Ében-Hézer - Siloé - Béthel - Le Repos - La Retraite - La Miséricorde

Le temple des Asiles

index & contact
Lexilogos