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Épiphanie

6 janvier


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Ἐπιφάνια

L'Épiphanie
Le 6 janvier, on fête l'Épiphanie : c'est la présentation de Jésus aux rois mages. On l'appelle aussi le Jour des Rois.

L'Épiphanie vient du latin ecclésiastique Epiphania, du grec Ἐπιφάνια (pluriel d'Ἐπιφάνεια, les deux formes se rencontrent) ; le terme a été traduit en latin par apparitio,-onis (apparition).

Dans le Nouveau Testament, le terme ἐπιφάνεια est utilisé pour désigner l'avènement (en latin adventum, dans la Vulgate) du Christ et de son règne :

Et maintenant, voici qu'est préparée pour moi la couronne de justice, qu'en retour le Seigneur me donnera en ce Jour-là, lui le juste Juge, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son Apparition.

(2 Timothée, 4, 8, Bible de Jérusalem)

Le terme ἐπιφάνεια est aussi utilisé pour désigner la manifestation de Jésus  sur terre (en latin inluminatio,-onis, dans la Vulgate, d'où illumination en français) :

Cette grâce a été maintenant manifestée par l'Apparition de notre Sauveur Christ Jésus, qui a détruit la mort et fait resplendir la vie et l'immortalité par le moyen de l'Évangile.

(2 Timothée, 1, 10, Bible de Jérusalem)



En grec moderne, επιφάνεια désigne la surface, la superficie (de la Terre, par exemple) ; ce sens existait aussi en grec ancien (tout ce qui apparaît à la surface).

En Grèce, la fête porte le nom de Θεοφάνια : la théophanie, c'est la manifestation de Dieu (Θέος, Théos) qui s'est fait homme en Jésus.

Dans l'église orthodoxe, on célèbre ce jour-là le baptême de Jésus dans le Jourdain. Cet évènement s'est déroulé une trentaine d'années plus tard.

Ce n'est pas une fève que l'on tire, mais une croix que l'on repêche dans l'eau. Le prêtre lance une croix et c'est au premier baigneur qui la retrouve…

L'Épiphanie a lieu 12 jours après Noël. Ces 12 jours représentent aussi le décalage entre le calendrier lunaire et le calendrier solaire. Une année fait 12 mois lunaires (à l'origine le mois représentait la période entre deux nouvelles lunes, soit 29,5 jours). Cela fait un total de 354 jours. Il faut ajouter presque 12 jours (comme les 12 mois de l'année) pour atteindre l'année solaire.

6 jours après Noël et 6 jours avant l'Épiphanie, se déroule le passage à la nouvelle année. Autrefois, on fêtait le jour de l'an, la circoncision de Jésus. Comme tout enfant juif, elle se déroulait 7 jours après la naissance.

L'hommage des mages d'orient
La naissance de Jésus est racontée par deux Évangiles : Matthieu et Luc. Selon Luc, ce sont des bergers qui viennent rendre hommage à Jésus ; selon Matthieu, ce sont des mages.

Le texte biblique emploie le terme de mage, du grec μάγος. En général, un mage désigne à l'origine un prêtre perse ou mède (par exemple, originaire de Babylone). Ils étaient réputés pour leur connaissance en astronomie et astrologie. On employait aussi le terme grec dans un sens péjoratif, avec celui de magicien. Ce terme est à l'origine de la magie, du magicien et de ce qui est magique.

Extraits de l'Évangile de Matthieu (2, 1-2 & 10-11)

Τοῦ δὲ Ἰησοῦ γεννηθέντος ἐν Βηθλέεμ τῆς Ἰουδαίας ἐν ἡμέραις Ἡρῴδου τοῦ βασιλέως, ἰδοὺ μάγοι ἀπὸ ἀνατολῶν παρεγένοντο εἰς Ἱεροσόλυμα λέγοντες· Ποῦ ἐστιν ὁ τεχθεὶς βασιλεὺς τῶν Ἰουδαίων; εἴδομεν γὰρ αὐτοῦ τὸν ἀστέρα ἐν τῇ ἀνατολῇ καὶ ἤλθομεν προσκυνῆσαι αὐτῷ. Cum ergo natus esset Iesus in Bethlehem Iuda in diebus Herodis regis, ecce magi ab oriente venerunt Hierosolymam dicentes : ubi est qui natus est rex Iudæorum ? vidimus enim stellam eius in oriente et venimus adorare eum. Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem en disant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre hommage. »
ἰδόντες δὲ τὸν ἀστέρα ἐχάρησαν χαρὰν μεγάλην σφόδρα καὶ ἐλθόντες εἰς τὴν οἰκίαν εἶδον τὸ παιδίον μετὰ Μαρίας τῆς μητρὸς αὐτοῦ, καὶ πεσόντες προσεκύνησαν αὐτῷ, καὶ ἀνοίξαντες τοὺς θησαυροὺς αὐτῶν προσήνεγκαν αὐτῷ δῶρα, χρυσὸν καὶ λίβανον καὶ σμύρναν. Videntes autem stellam gavisi sunt gaudio magno valde. Et intrantes domum, invenerunt puerum cum Maria matre eius, et procidentes adoraverunt eum ; et apertis thesauris suis obtulerunt ei munera, aurum, tus, et murram. À la vue de l'astre ils se réjouirent d'une très grande joie. Entrant alors dans le logis, ils virent l'enfant avec Marie sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; puis, ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présents de l'or, de l'encens et de la myrrhe.

(Bible de Jérusalem)

rois mages

Atlas catalan (XIVe)

Les rois mages

Les rois mages n'étaient, à l'origine, ni rois, ni trois. Le texte biblique indique seulement que ce sont des mages venus d'orient. Si on se conforme à la Bible on ne peut employer que cette expression : les mages d'orient (en grec ἀνατολή, d'où Anatolie). Et ils ont offert à Jésus de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Ils ont offert trois présents, on les a alors représentés avec trois personnages, chacun offrant un cadeau.

Plusieurs interprétations et traditions se sont ensuite développées au fil des siècles…

Le texte le plus ancien présentant le nom des mages est un manuscrit latin nommé Excerpta Latini Barbari, du VIIIe siècle. C'est une traduction (en mauvais latin) d'un texte grec d'Alexandrie du VIe siècle :

Magi autem vocabantur Bithisarea, Melichior, Gathaspa.

rois mages : Bithisarea, Melichior, Gathaspa

Bède (dit le Vénérable, moine anglais né à la fin du VIIe siècle), dans Expositio in Matthæi Evangelium, indique l'origine de ces trois mages :

Mystice autem tres Magi tres partes mundi significant, Asiam, Africam, Europam, sive humanum genus, quod a tribus filiis Noe seminarium sumpsit.

Les mages représentent les trois continents : l'Asie, l'Afrique et l'Europe, c'est à dire le genre humain. Ils sont trois, comme les trois fils de Noé : Sem, Cham et Japhet. C'est à partir de ces trois fils que la toute la terre fut peuplée, selon le récit de la Genèse (9, 18-19).

Un autre texte latin de cette époque, nommé Excerpta et Collectenea (attribué à tort à Bède) apporte plus de précisions. Il semble être une description d'une œuvre d'art (certainement la traduction d'un texte grec) :

Magi sunt, qui munera Domino dederunt : primus fuisse dicitur Melchior, senex et canus, barba prolixa et capillis, tunica hyacinthina, sagoque mileno, et calceamentis hyacinthino et albo mixto opere, pro mitrario variæ compositionis indutus : aurum obtulit regi Domino.

Secundus, nomine Caspar, juvenis imberbis, rubicundus, mylenica tunica, sago rubeo, calceamentis hyacinthinis vestitus : thure quasi Deo oblatione digna, Deum honorabat.

Tertius, fuscus, integre barbatus, Balthasar nomine, habens tunicam rubeam, albo vario, calceamentis melinicis amictus : per myrrham Filium hominis moriturum professus est.


Ainsi, le premier mage, Melchior, vieux et blanc, barbu et chevelu, offre de l'or, symbole de la royauté. Le second, Caspar, jeune imberbe au teint rouge, offre de l'encens, symbole de la divinité. Le troisième, Balthasar, barbu au teint sombre, offre de la myrrhe qui rappelle que le Fils de l'homme est mortel.

source : New Testament studies
Bruce Manning Metzger (1980)

Dans l'Antiquité, on confond souvent le pouvoir religieux et le pouvoir politique. Jésus est ainsi considéré par certains, comme le roi des Juifs. Tertullien (né à Carthage, aujourd'hui en Tunisie, vers l'an 160) écrit :

Magos reges habuit fere oriens. (Adversus Marcionem, III, 13)
L'Orient fut presque toujours gouverné par des mages. (traduction de Genoude, XIXe)

Tertullien compare le récit de l'Évangile de Matthieu avec le psaume 72 qui implore un roi bon pour son peuple :


Ô Dieu, donne au roi ton jugement, au fils de roi ta justice,
qu'il rende à ton peuple sentence juste et jugement à tes petits.
[…]
Les rois de Tarsis et des îles rendront tribut.
Les rois de Saba et de Seba feront offrande ;
tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les païens le serviront.


À partir du XIIe siècle, les rois mages sont célébrés par l'Église. On invente des reliques à Milan. Elles sont transférées à Cologne par Frédéric Barberousse. La châsse des rois mages (Dreikönigenschrein en allemand) est aujourd'hui conservée dans la cathédrale de Cologne.

L'Adoration des mages devient, à partir du XVe siècle, un thème prisé par les peintres. C'est aussi un moyen de présenter l'universalité du christianisme.

Melchior représente l'Europe, Gaspard l'Asie, et Balthazar (au teint sombre) l'Afrique.

chasse des rois mages

Châsse des rois mages,
cathédrale de Cologne

Kölner Dom : Der Weg der heiligen drei Könige (les rois mages et la cathédrale de Cologne)

Suivre l'étoile à Oxford : inédits sur la venue des Mages par Muriel Debié, in Gorgias Eastern Christian Studies (2008)

Le nombre des rois mages, les hésitations de la tradition syriaque par Jean-Claude Haelewyck, in Graphè (2011)

Les Rois par Charles Le Goffic, in Fêtes et coutumes populaires (1911)

Le jour des rois : coutumes et traditions lorraines, par Charles Sadoul, in Le Pays lorrain (1904) : I & II - III

L'histoire des rois mages par Charles Schœbel (1878)


Ces Rois mages venus d'Occident : l'offrande des Mages dans les arts monumentaux de l'espace féodal, par Mathieu Beaud (2022) NOUVEAU

Iconographie et art monumental dans l'espace féodal du Xe au XIIe siècle : le thème des rois mages et sa diffusion, thèse (2012)

Les rois mages, iconographie et art monumental dans l'espace féodal (Xe-XIIe siècles), in Bulletin du centre d'études médiévales d'Auxerre (2013)

Des mages à Florence au quattrocento, autour de la fête de l'Épiphanie de 1443, par Pauline Duclos-Grenet, in Bulletin du centre d'études médiévales d'Auxerre (2014)

Le culte des rois mages à Étrabonne (Franche-Comté), entre histoire et légende (XIIe-XXIe siècles) par Nicolas Vernot, in Mémoires de la Société d'émulation du Doubs (2005)

Il y avait autrefois les Rois… (Val d'Aoste) par Alexis Bétemps, in Le Monde alpin et rhodanien (2004)

Généalogie et histoire des rois mages : les origines légendaires de la famille des Baux (Provence) (XIIIe-XVe siècle) par Germain Butaud, in Cahiers de Fanjeaux (2008)


L'Épiphanie, entre dérision et volonté d'abolition par Michel Biard, in Annales historiques de la Révolution française (2014)

L'Épiphanie par Jean-Baptiste Thibaut, in Échos d'orient (1920)

La légende dorée de Jacques de Voragine : L'Épiphanie du Seigneur (XIIIe) traduction de Jean-Baptiste Roze (1902) (+ version texte)

L'Encyclopédie de Diderot & d'Alembert : Épiphanie (XVIIIe)

Dictionnaire philosophique de Voltaire : Épiphanie (XVIIIe)

L'Évangile de l'enfance (chapitre VII) : Des mages vinrent du pays de l'Orient…, in Dictionnaire des apocryphes, publié par Jacques-Paul Migne (1856)

Adoration des mages

Adoration des mages
par Albrecht Dürer

Adoration des mages

Adoration des mages
par Peter Paul Rubens

Du bon usage de la galette des Rois (textes médiévaux), par Geneviève Hasenohr, in Romania (1996)

Origine de la fève
C'est une plante potagère de la famille des légumineuses. Par extension, la fève désigne une graine enfermée dans une gousse : fève de cacao, café… La fève vient du latin faba.

À l'origine, on mettait une fève dans la galette des rois. Puis, la fève naturelle est devenue un objet de porcelaine…


Tiré de cette tradition, l'expression :

Trouver la fève au gâteau : faire une découverte géniale et importante ; faire une excellente et riche affaire.

Odysseum : Deux extraits traitant de la fève : Recherches sur les plantes de Théophraste & Histoire naturelle de Pline l'Ancien (textes grec & latin avec traduction en français)

Sur l'origine de la fève, voici un extrait de L'hermite de la Chaussée-d'Antin (ou Observations sur les mœurs et les usages parisiens au commencement du XIXe siècle) d'Étienne de Jouy (1817) :

Je lisais, il y a quelques jours, le passage que je viens de citer, en présence d'un M. Fergus, savant plus estimable qu'orthodoxe, avec qui j'ai fait mes études, et qui trouvait très mauvais que M. de Chateaubriand fît honneur au christianisme de l'institution d'une fête évidemment renouvelée des Grecs et des Romains. « Que diable (disait-il en agitant ses gros sourcils noirs) vient-on nous parler des mages et de leurs présens, à propos d'un usage dont l'origine profane est si bien connue ? Qui est-ce qui ne sait pas que cette plaisanterie du Roi de la Fève nous vient des Romains, dont les enfans, pendant les saturnales, tiraient au sort à qui serait roi du festin ? Cet emploi de la fève, pour interroger le sort, remonte aux Grecs, qui se servaient de fèves pour l'élection de leurs magistrats. Nous avons transporté au commencement de janvier une fête que les anciens célébraient vers la fin de décembre, au solstice d'hiver, et que les Romains, s'il faut en croire Lucien, Strabon et Vossius, avaient empruntée des Perses. L'élection de ce roi de circonstance se faisait à table comme chez nous ; mais après avoir été traité pendant la courte durée de son règne avec tout le respect et tous les égards dus à son rang, le monarque éphémère était pendu pour terminer la fête. Il est pourtant bon d'ajouter qu'il était choisi dans la classe des esclaves, et plus souvent parmi les criminels.

— Je sais fort bien (répondis-je à mon savant en us) qu'on peut tout désenchanter à force d'érudition ; mais je vous avouerai que la lecture du mémoire le mieux fait sur l'origine du Roi de la Fève ne m'amusera jamais autant qu'une de ces fêtes de famille, devenues beaucoup trop rares aujourd'hui. »

Étienne de Jouy, L'hermite (tome V)


L'hermite de la Chaussée-d'Antin ou Observations sur les mœurs et les usages parisiens au commencement du XIXe siècle, par Étienne de Jouy (1824) : I & II - III - IV - V

Le roi boit, par Jakob Jordaens
Le roi boit, par Jakob Jordaens

Le roi boit,
par Jakob Jordaens (XVIIe)
fête des rois en Flandres

Le roi boit…
Le dictionnaire de l'Académie française (1762) présente cette définition :

Le roi boit. Sorte de cri de réjouissance parmi ceux qui mangent ensemble le jour des Rois, après avoir fait un Roi de la féve. On crie, Le Roi boit, Toutes les fois que le Roi de la féve boit. Quand c'est une Dame qui est la Reine de la féve, on crie, La Reine boit.

Le gâteau des rois, par Jean-Baptiste Greuze

Le gâteau des rois
par Jean-Baptiste Greuze (1774)



L'Histoire par l'image : Le gâteau des rois, analyse du tableau de Jean-Baptiste Greuze

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