Ces trois mots n'en font qu'un, proprement :
gars est le nominatif, du bas latin
garcio, avec l'accent sur
gar ;
garçon est le régime, de
garciónem, avec l'accent sur
o :
garce
est le féminin de
gars. Dans l'ancienne langue,
gars,
garçon, signifie enfant mâle, jeune
homme ; mais, de bonne heure, il s'y mêle un sens défavorable, et souvent ce vocable devient un terme d'injure, signifiant un mauvais drôle, un lâche. Cette acception
fâcheuse n'a pas pénétré dans la langue moderne. Il n'en est pas de même de
garce. Tandis que, dans l'ancienne langue,
garce
signifie une jeune fille, en dehors de tout sens mauvais, il est devenu dans la langue moderne un terme injurieux et grossier. Il semblerait que le mot n'a pu échapper à son destin :
en passant dans l'usage moderne,
garçon s'est purifié, mais
garce s'est dégradé. Il vaut la peine de considérer
d'où provient ce jeu de significations. Le sens propre de
garçon,
garce, est jeune homme, jeune femme. Comme les jeunes
gens sont souvent employés en service, le Moyen Âge donna par occasion à
garçon l'acception de serviteur d'un ordre inférieur, au-dessous
des écuyers et des sergents. Une fois cette habitude introduite, on conçoit qu'une idée péjorative ait pris naissance à l'égard de ce mot, comme il est
arrivé pour
valet. De là le sens injurieux que l'ancienne langue, non la moderne, attribua à
garçon. Ceci
est clair ; mais comment garce est-il tombé si bas qu'il ne peut plus même être prononcé honnêtement ? Je ne veux voir là que quelque brutalité
de langage qui malheureusement a pris pied, flétrissant ce qu'elle touchait ; brutalité qui se montre, à un pire degré encore, dans
fille,
dont il faut comparer l'article à celui de
garce.